Les Inrockuptibles

Un souffle de fantaisie

Dans Viens je t’emmène, Alain Guiraudie offre à Jean-Charles Clichet son premier rôle principal au cinéma. Portrait d’un acteur bercé par les one-man-shows et le théâtre.

- Jean-Marc Lalanne

Aurait-on pu imaginer qu’Alain Robbe-Grillet et Serge Daney partagent un jour le même visage ? Certaineme­nt pas, et c’est pourtant arrivé, par la grâce d’un interprète commun. Jean-Charles Clichet a, en effet, incarné l’écrivain phare du Nouveau Roman puis le mythique critique de cinéma de Libé et des Cahiers dans deux spectacles de Christophe Honoré, Nouveau Roman en 2012 et Les Idoles en 2018. À l’un comme à l’autre, il a prêté cette drôlerie fébrile et cette gouaille goguenarde qui en ont fait l’un des acteurs les plus attachants du théâtre public des années 2010.

Au départ pourtant, c’est moins le théâtre que les one-man-shows d’humoristes qui suscitent sa vocation.

“Enfant, je vivais dans l’Ariège. Je n’allais jamais au théâtre. Assez régulièrem­ent au cinéma, mais sans du tout être cinéphile. En revanche, j’avais une passion pour les one-man-shows comiques. J’adorais Élie Semoun, un peu plus tard Gad Elmaleh, Jamel… J’apprenais leurs spectacles par coeur et je les refaisais devant mes potes, ma famille. À l’école, j’étais identifié comme le rigolo.” Après le bac, le jeune homme s’égare un peu dans des études embryonnai­res, jusqu’au moment où il affirme à ses parents n’avoir qu’un seul désir : entrer au Cours Florent. Puis il réussit le concours d’entrée au Théâtre National de Strasbourg, dirigé par Stéphane Braunschwe­ig. Il s’éprend du travail de quelques metteurs en scène :

“J’aimais beaucoup les spectacles de Braunschwe­ig. Mais aussi ceux aussi de Jean-François Sivadier, dont La Vie de Galilée [2002] m’a vraiment marqué. Et plus que tout le théâtre de Christoph Marthaler, qui a vraiment été une énorme claque.”

À peine sorti de l’École du TNS, il enchaîne sans difficulté les emplois : chez Corsetti, Sastre, Honoré – pour la première fois dans Angelo, tyran de Padoue (2009) –, ou encore Vincent Macaigne, pour sa tonitruant­e adaptation d’Hamlet, Au moins j’aurai laissé un beau cadavre (2011). Vincent Macaigne avec qui on le confond parfois. “On m’a déjà abordé pour me féliciter pour Le Sens de la fête !

[rires] Avec Vincent, on s’est d’ailleurs rencontrés comme ça. Les gens qu’on connaissai­t tous les deux nous répétaient que l’un leur faisait trop penser à l’autre, et quand on s’est vus pour la première fois, on s’est dit : ‘Ah, alors c’est toi !’ C’est vrai qu’on forme une fratrie possible.”

En un mois, la notoriété de Jean-Charles Clichet devrait passer un cap. On l’a d’abord vu coup sur coup à la télévision dans Les Particules élémentair­es,

le téléfilm d’Antoine Garceau adapté de Michel Houellebec­q. Puis dans la saison 2 d’OVNI( s), la série de SF burlesque signée Antony Cordier, Clémence Dargent et Martin Douaire. Ce mois-ci, c’est au théâtre et au cinéma qu’il s’impose. Sur scène, dans la saga autobiogra­phique de Christophe Honoré, Le Ciel de Nantes (lire p. 144), il joue avec beaucoup d’intensité un oncle à la fois rigolard et rongé, pris dans la spirale autodestru­ctrice d’une famille. Enfin, Alain Guiraudie lui offre son premier premier rôle au cinéma dans Viens je t’emmène, où son humeur malicieuse étincelle comme jamais et nous emporte, comme dans la chanson de France Gall qui donne son titre au film, “plus loin, plus loin, au pays du vent, au pays des fées”.

 ?? ?? ↑
À Paris, en janvier.
↑ À Paris, en janvier.

Newspapers in French

Newspapers from France