LÄUTEN DER SEELE
Un rêve sans fin tout en nappes éthérées et tessitures brumeuses : de l’authentique musique d’apesanteur.
Le label français Hands in the Dark édite des albums de musiques plutôt expérimentales, entre ambient, radicalité, recherche sonore, électronique pure… Parmi ces beaux disques, il y a le Meeting of Waters du Californien Josiah Steinbrick, croisement entre l’atmosphère de Brian Eno et les répétitions de Steve Reich. Le premier LP du projet Läuten der Seele de l’Allemand Christian Schoppik est sans doute un autre des grands albums du label. S’y déploie une musique faussement impressionniste, conçue à la manière d’un rêve éveillé. La suite des morceaux et leur enchevêtrement donnent même la sensation d’une montée en lévitation. Immédiatement s’ensuit une question sur l’étrangeté des sons, leur provenance, leur façon d’être ensemble. Leur richesse de textures, de tessitures et de timbres est contrebalancée par une patine générale, comme prise dans une brume de souvenirs numériques. C’est que ces morceaux sont tous constitués d’échantillons sonores glanés dans des programmes de la télévision allemande des années 1950 : Läuten der Seele travaille en quelque sorte la mémoire collective d’un pays. Mais il réussit à dépasser le contexte de ses sources par l’ingéniosité de ses collages, de ses séquences : ici, les choses se succèdent vite et les impressions se bousculent.
Le sentiment d’écouter un disque de folklore prolonge celui d’être dans une composition éthérée, que perturbe l’apparition soudaine d’une nappe faite de bruits d’animaux – et, au milieu, un long moment monolithique évoquant un raga indien.
Au-delà du projet et de ces impressions, demeure un album qui happe par sa force d’évocation et son écoute très ouverte : un état de songe perpétuel, qui permet d’atteindre une multiplicité de possibles.
Läuten der Seele (Hands in the Dark). Sorti depuis le 11 février.