Les Inrockuptibles

MEDUSA d’Anita Rocha da Silveira

- Thierry Jousse

Parée d’atours pop retors, c’est une furieuse charge anti-Bolsonaro qui bouillonne sous le film de genre.

Il y a au moins deux manières de faire un film politique. Une façon littérale, didactique, et une autre plus perverse, plus pop. C’est cette seconde approche que la Brésilienn­e Anita Rocha da Silveira a choisie pour son deuxième long métrage, Medusa, qui s’inscrit dans la continuité de son premier film, Mate-me por favor (2015). Explicitem­ent anti-Bolsonaro, Medusa emprunte des chemins détournés pour atomiser l’ultra-conservati­sme religieux qui caractéris­e l’idéologie qui a mené l’actuel chef d’État brésilien au pouvoir.

Qu’on en juge : Mariana fait partie d’un gang de filles qui défend les valeurs religieuse­s et viriles les plus réactionna­ires, au point d’attaquer brutalemen­t celles qui auraient l’audace de revendique­r une forme de liberté sexuelle. Peu à peu, l’ordre néofascist­e porté par les membres de la secte va se craqueler sous les coups de boutoir d’un désir interdit. La fable est évidemment transparen­te, mais elle emprunte les codes du cinéma de genre, horreur et teen movie. Sous des atours très colorés, Medusa met à feu et à sang le message des groupes évangélist­es et le fait même exploser sous un déluge d’images plus frappantes les unes que les autres. On n’est pas très loin de John Carpenter ou de Dario Argento, sans pour autant que le film tourne au pastiche. La démarche rappelle également celle de Kleber Mendonça Filho pour Bacurau (2019). On y retrouve la même énergie ludique et furieuse, la même croyance en un cinéma violent et stylisé pour affronter la situation politique brésilienn­e.

Au final, Anita Rocha da Silveira parvient à conjuguer un humour très noir avec un sens de l’agit-prop très réjouissan­t. Medusa est une déclaratio­n de guerre extrêmemen­t tonique, un film qui prouve, par les moyens du cinéma, que la lutte est d’abord et avant tout une question de style et d’esthétique. On ne peut que lui en savoir gré.

Medusa d’Anita Rocha da Silveira, avec Mari Oliveira, Lara Tremouroux (Br., 2021, 2 h 07). En salle le 16 mars.

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