REBORN de Kavinsky
L’outsider de la French Touch 2.0 retrouve enfin le sens du tube addictif et des plages instrumentales renversantes. Une renaissance inespérée.
À force d’attendre depuis presque une décennie, on ne l’espérait plus. Acteur épisodique et producteur rare, Vincent Belorgey, alias Kavinsky, est ainsi : imprévisible, cossard, déroutant, mais ô combien talentueux. Si beaucoup ne connaissent de lui que le tube Nightcall
(interprété par Lovefoxxx, la chanteuse de CSS, et produit par un Daft Punk), qui connut un succès aussi tardif que retentissant grâce au polar Drive
de Nicolas Winding Refn, d’autres s’impatientaient depuis neuf ans d’entendre la suite d’OutRun, un premier album cinématique à l’énergie compulsive et à la noirceur contagieuse, à écouter autant en club qu’en voiture. “C’est le test ultime, avouait-il au Monde
en 2013. J’aime bien cette petite insonorisation qui se crée quand on ferme les portes. On est dans une petite bulle.
Autour, c’est 360 degrés de paysage. Pour ce type de musique cinématique, il n’y a pas mieux que de voir défiler des images.”
À l’automne dernier, Kavinsky réapparaissait enfin, toujours pied au plancher, dans son road movie mental. Entouré de Gaspard Augé et Victor Le Masne au Motorbass Studio, il tendait le micro à l’Américain Cautious Clay pour un Renegade synthétique au groove imparable. Amorçant ainsi un comeback inespéré, sans SebastiAn (son alter ego d’OutRun) comme certaines rumeurs l’ébruitaient, Kavinsky annonçait le titre de l’album au dos de son Teddy : Reborn.
Une renaissance artistique qui reprend la matrice d’OutRun en la catapultant dans les années 2020, entre thèmes épiques ( Trigger ou l’immense Outsider, qui faillit s’intituler Belmondo, vu sa passion sans bornes pour Bébel), ballades futuristes (bouleversant Goodbye avec Sébastien Tellier, sublime Horizon avec Phoenix vocodé) et tubes addictifs ( Cameo avec Kareen Lomax, Zenith avec Prudence & Morgan Phalen, un morceau pensé comme le sequel de Nightcall, avec une inversion des rôles vocaux). Même dans la surenchère interstellaire digne d’un épisode de Star Wars ( Plasma, avec Morgan Phalen), Kavinsky convainc par sa science des arrangements panoramiques sous une pluie de cordes. À sa manière maximaliste, le producteur parisien entretient la flamme de la French Touch 2.0 avec un casting vocal à forte obédience internationale. Au contraire de son acolyte Gaspard Augé,
“devenu allergique à la pop song” sur ses récentes Escapades instrumentales, Kavinsky vise ouvertement les hits radiophoniques donc chantés, lui qui, outre le triomphe de Nightcall, a aussi connu la gloire avec son Odd Look réinterprété par The Weeknd lui-même. Pour reprendre un titre du bien nommé
Reborn – le meilleur album de sa carrière erratique –, Kavinsky revient en outsider de l’année.
Reborn (Record Makers/Virgin Records). Sorti depuis le 25 mars.