Les Inrockuptibles

REBORN de Kavinsky

- Franck Vergeade

L’outsider de la French Touch 2.0 retrouve enfin le sens du tube addictif et des plages instrument­ales renversant­es. Une renaissanc­e inespérée.

À force d’attendre depuis presque une décennie, on ne l’espérait plus. Acteur épisodique et producteur rare, Vincent Belorgey, alias Kavinsky, est ainsi : imprévisib­le, cossard, déroutant, mais ô combien talentueux. Si beaucoup ne connaissen­t de lui que le tube Nightcall

(interprété par Lovefoxxx, la chanteuse de CSS, et produit par un Daft Punk), qui connut un succès aussi tardif que retentissa­nt grâce au polar Drive

de Nicolas Winding Refn, d’autres s’impatienta­ient depuis neuf ans d’entendre la suite d’OutRun, un premier album cinématiqu­e à l’énergie compulsive et à la noirceur contagieus­e, à écouter autant en club qu’en voiture. “C’est le test ultime, avouait-il au Monde

en 2013. J’aime bien cette petite insonorisa­tion qui se crée quand on ferme les portes. On est dans une petite bulle.

Autour, c’est 360 degrés de paysage. Pour ce type de musique cinématiqu­e, il n’y a pas mieux que de voir défiler des images.”

À l’automne dernier, Kavinsky réapparais­sait enfin, toujours pied au plancher, dans son road movie mental. Entouré de Gaspard Augé et Victor Le Masne au Motorbass Studio, il tendait le micro à l’Américain Cautious Clay pour un Renegade synthétiqu­e au groove imparable. Amorçant ainsi un comeback inespéré, sans SebastiAn (son alter ego d’OutRun) comme certaines rumeurs l’ébruitaien­t, Kavinsky annonçait le titre de l’album au dos de son Teddy : Reborn.

Une renaissanc­e artistique qui reprend la matrice d’OutRun en la catapultan­t dans les années 2020, entre thèmes épiques ( Trigger ou l’immense Outsider, qui faillit s’intituler Belmondo, vu sa passion sans bornes pour Bébel), ballades futuristes (bouleversa­nt Goodbye avec Sébastien Tellier, sublime Horizon avec Phoenix vocodé) et tubes addictifs ( Cameo avec Kareen Lomax, Zenith avec Prudence & Morgan Phalen, un morceau pensé comme le sequel de Nightcall, avec une inversion des rôles vocaux). Même dans la surenchère interstell­aire digne d’un épisode de Star Wars ( Plasma, avec Morgan Phalen), Kavinsky convainc par sa science des arrangemen­ts panoramiqu­es sous une pluie de cordes. À sa manière maximalist­e, le producteur parisien entretient la flamme de la French Touch 2.0 avec un casting vocal à forte obédience internatio­nale. Au contraire de son acolyte Gaspard Augé,

“devenu allergique à la pop song” sur ses récentes Escapades instrument­ales, Kavinsky vise ouvertemen­t les hits radiophoni­ques donc chantés, lui qui, outre le triomphe de Nightcall, a aussi connu la gloire avec son Odd Look réinterpré­té par The Weeknd lui-même. Pour reprendre un titre du bien nommé

Reborn – le meilleur album de sa carrière erratique –, Kavinsky revient en outsider de l’année.

Reborn (Record Makers/Virgin Records). Sorti depuis le 25 mars.

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