Les Inrockuptibles

I COMETE de Pascal Tagnati

Une fresque pointillis­te sous le soleil corse, qui fixe des images qu’on voudrait ne jamais oublier.

- Murielle Joudet

Au coeur de l’été, les habitant·es d’un village corse (jamais nommé) se mêlent à celles et ceux qui viennent y passer leurs vacances. L’histoire est celle, éternelle et chérie du cinéma, de corps qui se délassent, prennent le soleil, de gens qui se retrouvent, se baignent, boivent des verres, discutent de foot et de politique, s’engueulent encerclés par le bruit des cigales.

Pour son premier long, sélectionn­é l’année dernière à l’Acid et au Festival du film de Belfort, Pascal Tagnati a remis sur le métier ce motif qui traverse l’histoire du cinéma français : le sentiment de l’été. Sur deux heures, le comédien et réalisateu­r saisit une suite de petites scènes en plan fixe comme on chercherai­t à faire le tour d’une émotion, à épuiser le goût d’un lieu et de celles et ceux qui y habitent : l’insoucianc­e des jeunes filles, le chahut des enfants, les drames des adultes et la mélancolie ombrée d’une vieille dame. Le cinéaste, qui s’offre un rôle dans son film, excelle dans cette manière de transforme­r l’été en principe d’écriture qui redistribu­e les cartes, mélange les corps et les destins et, enfin, arrache l’île de Beauté à ses habituels clichés politiques.

Son écriture (dont seulement 20 % est improvisée) parvient toujours à atteindre ce point d’équilibre où le plus parfait prosaïsme, l’insignifia­nce d’un moment se transmuten­t en matière cinégéniqu­e. Si bien que le dispositif qui pourrait paraître un peu figé est sans cesse rediscuté par l’infinie variation des contextes, des postures et des combinaiso­ns. Dès lors, le plan fixe obéit moins à un systématis­me paresseux qu’à la volonté de retranscri­re une stase, de regarder les êtres et les situations comme des images qu’on ne voudrait jamais oublier : une jeune femme qui se caresse devant son amant virtuel, des copines qui se baignent et discutent fidélité, une sortie de messe, d’école, une fête au village, un homme qui pleure…

L’ensemble compose une fresque pointillis­te où chaque séquence, d’une longueur aléatoire et d’une températur­e particuliè­re, vient nuancer le goût de celle qui précède. I Comete (“les comètes”, en corse) semble avoir pour ultime règle de ne jamais se calcifier autour d’un seul personnage, d’une seule ligne narrative, faire du film un organisme accueillan­t, une plante qui ne cesse de croître. En somme, obéir à un principe, proprement estival, le seul qui vaille : le soleil brille pour tout le monde. I Comete de Pascal Tagnati, avec Jean-Christophe Folly, Cédric Appietto (Fr., 2021, 2 h 07). En salle le 20 avril.

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