Les Inrockuptibles

EN MÊME TEMPS de Gustave Kervern et Benoît Delépine

Les ambassadeu­rs de Groland imaginent une union forcée de la gauche et la droite qui met aux prises deux comédiens à l’abattage comique réjouissan­t.

- Jean-Baptiste Morain

Didier Bequet (Jonathan Cohen), un maire de droite excessivem­ent décomplexé(e), est bien décidé à convaincre un maire écologiste, Pascal Molitor (Vincent Macaigne), lors de la réunion d’agglomérat­ion qui a lieu le lendemain, de voter en faveur de la constructi­on d’un parc de loisirs qui nécessiter­ait la destructio­n d’une forêt primaire. Folie ? Pas sûr, car Bequet est rusé. Il invite Molitor à dîner, le fait boire, puis l’emmène dans le bar à prostituée­s du coin, Le FMI.

Or Sandra (India Hair), la nouvelle recrue de la boîte, est en réalité une militante féministe infiltrée. Ayant entraîné les deux hommes, bien pintés, dans une backroom, elle profite de l’obscurité pour les coller ensemble avec de la Super Glue. Les voici encastrés l’un derrière l’autre… Ils n’ont que quelques heures pour trouver un moyen de se décoller avant la réunion. Idée limite ? Certes. Mais Kervern et Delépine sont quand même des citoyens de Groland, il ne faut donc pas être très surpris·es par la teneur de leur humour – d’ailleurs, dans le dossier de presse, ils avouent avoir longtemps hésité… Ils se débrouille­nt même pour aborder indirectem­ent la question dans le film, puisque la “Colle Girl” India Hair se demande à un moment si elle n’est pas allée trop loin. Jonathan Cohen, en Sarkozy de pacotille, et Vincent Macaigne, en dépressif, sauvent aussi la mise, tant ils sont drôles.

Cette fausse sodomie de la gauche par la droite est évidemment allégoriqu­e et va entraîner toute une série de gags, de rencontres avec des hurluberlu·es censé·es les aider. On finit par oublier l’aspect graveleux de la situation pour ne plus voir qu’une chimère, prenant la forme de frères siamois aux idées opposées, mais obligés de s’entraider. “Ni de gauche ni de droite” est un slogan “jupitérien” stupide, semble dire le film : une démocratie a besoin de deux piliers qui s’opposent pour former un arc-boutant.

K & D continuent leur petit bonhomme de chemin, qui consiste à se faire le miroir de notre société, de notre actualité. Sortir ce film à quelques jours du premier tour de l’élection présidenti­elle n’a évidemment rien d’anodin. Le portrait à charge du petit baron de droite local est réussi. K & D montrent aussi qu’être écologiste, ce n’est pas drôle, parce que ça consiste à forcer les gens à revoir leur manière de vivre. Et que la lutte féministe, c’est compliqué aussi. Le film se clôt par un happy end inattendu, utopiste et, comme pour rattraper ses blagues outrancièr­es, par une série de slogans en faveur de la lutte des femmes. On n’avait jamais vu le duo si rougissant, en fait.

En même temps de Gustave Kervern et Benoît Delépine, avec Jonathan Cohen, Vincent Macaigne, India Hair (Fr., 2022, 1 h 46). En salle le 6 avril.

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