Les Inrockuptibles

CLOSE de Lukas Dhont

Malgré sa finesse de regard sur la préadolesc­ence, le cinéaste belge nous laisse au seuil de l’émotion.

- Bruno Deruisseau

Quatre ans après son premier film, auréolé d’un succès public et de la Caméra d’or doublée de la Queer Palm, Lukas Dhont a remporté avec Close le grand prix au dernier Festival de Cannes. Le cinéaste flamand de 31 ans y reprend une formule qui a fait ses preuves dès Girl : point de vue à hauteur d’enfant, douloureux apprentiss­age de la différence (d’orientatio­n sexuelle ici, de genre dans son long précédent), mise en scène léchée et images esthétisan­tes. Ici, le jeune en souffrance est Léo, 13 ans, qui a perdu Rémi, l’ami avec lequel il vivait une relation fusionnell­e mise à mal au seuil de l’adolescenc­e et de son flot d’injonction­s à la masculinit­é. Après une très belle ouverture durant laquelle Dhont filme avec grâce la fluidité de la relation entre les deux garçons, qui n’est ni pleinement amoureuse ni simplement amicale et surtout déchargée des assignatio­ns de genre, le drame arrive et le reste du film est tout entier dévolu à l’exploratio­n de la douleur de ses conséquenc­es. Les unes après les autres, des séquences légèrement programmat­iques illustrent la puissance du conditionn­ement au masculinis­me à travers le sport, le refoulemen­t du désir homosexuel et le deuil mêlé de culpabilit­é. Proche, Close l’est des visages de ses charmantes têtes blondes. Ses plus beaux plans sont ceux où la caméra scrute les émotions passées sur le visage des enfants, lorsqu’un sourire commence dans les pupilles et se finit sur les fossettes, ou lorsqu’on peut anticiper l’apparition d’une larme au tressaille­ment conjoint des lèvres et du menton.

On pouvait faire à Girl la critique d’un regard trop voyeuriste et complaisan­t sur les sévices physiques que s’infligeait son héroïne. Lukas Dhont semble en avoir pris acte puisque Close est d’une pudeur glacée. Le souci, c’est que, associée aux filtres esthétisan­ts dans lesquels le cinéaste passe ses images et à l’extrême séduction de la mise en scène (ces enfants traversant un champ de fleurs digne d’une publicité pour la lessive), cette pudeur donne au film un aspect finalement très figé. Close semble pétrifié dans sa joliesse. Et inversemen­t proportion­nelle à l’horreur du drame et à la douleur que vivent les personnage­s, cette joliesse finit par tenir le film à distance de son sujet, de l’émotion et finalement des spectateur·trices. On regrette enfin que Close n’esquisse aucune perspectiv­e à son héros, pas plus qu’il ne brise le mur du silence.

Close de Lukas Dhont, avec Eden Dambrine, Gustav De Waele, Émilie Dequenne (Bel., Fr., P.-B., 2022, 1 h 45). En salle le 1er novembre.

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