MARIE-ANTOINETTE de Deborah Davis
Derrière son féminisme de façade, Marie-Antoinette dissimule une vision complaisante de la royauté.
“Qu’ils mangent de la brioche!”, aurait répondu Marie-Antoinette alors qu’on lui signifiait que le peuple français n’avait plus de pain à se mettre sous la dent, cristallisant dans l’imaginaire collectif la distance chargée de mépris qu’entretenait l’épouse de Louis XVI avec ses sujets. “Elle n’a jamais dit ça”, rétorque la scénariste anglaise Deborah Davis qui entreprend, dans la nouvelle création originale de Canal+, une entreprise de réhabilitation du personnage. Principalement connue pour avoir signé le scénario de La Favorite deYórgos Lánthimos, dont on retrouve le goût des machinations tordues et des répliques cinglantes, elle ancre sa fresque historique dans la subjectivité d’un personnage soumis à des obligations protocolaires qui l’étouffent et des tractations politiques qui la dépassent. Sommée de donner au plus vite naissance à un héritier malgré un époux visiblement frigide, “Toinette”, qui n’est encore qu’une adolescente, est dépossédée de son libre arbitre comme de son intimité, érigée en affaire d’État : le tissage des alliances et le mouvement des armées sont quasiment suspendus aux étreintes de la chambre à coucher.
Embrassant de façon sensorielle ce déracinement, la mise en scène de Pete Travis et Geoffrey Enthoven produit quelques étincelles en figurant le château de Versailles comme une prison dorée, tantôt maison hantée, peuplée d’intrigant·es poudré·es, tantôt plateau de téléréalité où s’entrechoquent les velléités de pouvoir.
Cette boussole subjective constitue néanmoins la limite d’une série qui maintient hors champ la souffrance du peuple pour se replier sur celle des nanti·es, qu’elle ne cesse d’ériger en victimes d’un système qui les dépasse. À peine masqué par un féminisme de surface (la trajectoire de MarieAntoinette questionnant les injonctions faites aux femmes et les stratégies de survie déployées dans un monde d’hommes), ce renversement moral révèle la dimension conservatrice d’un projet qui produit, in fine, une vision complaisante de la monarchie. Marie-Antoinette saison 1 de Deborah Davis, avec Emilia Schüle, Louis Cunningham, James Purefoy. Sur Canal+ à partir du 31 octobre.