Les Inrockuptibles

TENIR DEBOUT

Pour sa première pièce, la comédienne découverte chez Alain Françon s’est immergée dans le concours des Miss. Burlesque et politique, son spectacle l’impose dans le paysage théâtral.

- de Suzanne de Baecque Igor Hansen-Løve

Nous l’avions repérée dans le costume de Lisette et La Seconde Surprise de l’amour (2021), où elle faisait une apparition brillante sur le plateau d’Alain Françon. Un an plus tard, la voilà autrice et metteuse en scène d’un premier spectacle réjouissan­t, Tenir debout, à la lisière de la performanc­e burlesque et du théâtre documentai­re, qui l’impose à 27 ans comme l’une des artistes les plus prometteus­es du moment.

Dans le cadre d’un projet de fin d’études à l’École du Nord de Lille, ses profs lui avaient demandé de partir quelque part en France dans un milieu donné et, si possible, loin de sa zone de confort pour en tirer une pièce. La jeune femme, fille d’Antoine de Baecque (historien, journalist­e et critique de cinéma), s’est rendue chez sa mère, près de Châtellera­ult, pour s’inscrire à l’élection de Miss Poitou-Charentes – l’idée est amusante (et vendeuse), la réalité de l’expérience l’est moins.

Pendant un mois, elle s’est immergée dans les arcanes de l’institutio­n décrépite pour interviewe­r ses compétitri­ces, profitant de l’occasion pour s’interroger sur son propre avenir d’actrice. Elle est accompagné­e sur scène par Raphaëlle Rousseau, qui sera tour à tour coach, confidente et ex-Miss. Ensemble, elles rejouent les entraîneme­nts (physiques et “discursifs”), qu’elles caricature­nt (à peine), avec des défilés (on pense à Zoolander). C’est drôle, quand le corps de Suzanne de Baecque refuse d’entrer dans le moule. Et beaucoup moins lorsque celle-ci donne la parole aux aspirantes Miss, avec leurs parcours cabossés et leurs revendicat­ions ; leurs rêves en toc deviennent les symptômes d’une société ivre d’images (en particulie­r celles des jeunes femmes). L’affaire part un peu dans tous les sens. Mais la grande réussite de son autrice tient à sa façon de critiquer l’institutio­n tout en respectant ses sujets d’étude. Suzanne de Baecque clame se sentir davantage actrice que créatrice. Elle est d’ailleurs actuelleme­nt devant la caméra de Maïwenn (pour Jeanne du Barry avec Johnny Depp et Noémie Lvovsky…). Espérons qu’elle parvienne à concilier théâtre, cinéma et écriture. Elle a le temps, bien sûr. Mais nous avons hâte.

Tenir debout conception et mise en scène Suzanne de Baecque, avec elle-même et Raphaëlle Rousseau.

Du 23 au 26 novembre, Théâtre national de Bretagne, Rennes, dans le cadre du festival TNB.

Du 30 novembre au 2 décembre, CDN d’Orléans/Centre-Val de Loire. En tournée jusqu’en mars.

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↓ Suzanne de Baecque et Raphaëlle Rousseau.

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