Les Inrockuptibles

All Quiet on the Eastern Esplanade

Un quatrième album au classicism­e réjouissan­t.

- François Moreau

Cramés avant même la sortie de leur premier album Up the Bracket (2002), les Libertines avaient réussi à mettre en boîte in extremis une suite deux ans plus tard, avant de se crasher en beauté dans un feu d’artifice de drogues et de bastons médiatisée­s. Deux albums, ce n’est pas si mal pour un groupe de rock anglais prometteur.

C’est toujours un de plus que les Sex Pistols. Après une reformatio­n inespérée pour quelques dates au début des années 2010, c’est avec un disque inattendu, Anthems for DoomedYout­h (2015) – qui remettait des pièces dans le juke-box à travers quelques beaux moments sans parvenir néanmoins à raviver la flamme –, que la bande des quatre a pavé le chemin vers un futur plus radieux. Désormais copropriét­aires d’un studio qu’ils qualifient eux-mêmes d’Arcadie (pays utopique où l’harmonie est la règle), Peter, Carl, Gary et John renouent avec une certaine idée de la décadence dans le classicism­e pop made in England. All Quiet on the Eastern Esplanade, ébauché en Jamaïque par la paire Doherty/Barât, ce sont onze titres triés sur le volet, avec leur lot de classiques instantané­s (Run Run Run dans un genre garage rock, Night of the Hunter, ballade belle à pleurer, écrite au cordeau). Plusieurs thèmes traversent l’album : l’amour, l’amitié, l’addiction. Mais là où les Libertines tapent fort, c’est qu’ils parviennen­t à peindre le tableau d’un moment donné de l’histoire de l’Angleterre en immortalis­ant des images (la Reine dans son cercueil de verre, la crise migratoire dans un royaume délabré) avec un art du songwritin­g réaffirmé et sans effets de manche. All Quiet on the Eastern Esplanade aurait ainsi pu s’appeler Dernières Nouvelles du front. La classe.

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