BEAUTÉS DE L’ÉPHÉMÈRE – APOLOGIE DES BULLES DE SAVON de Pierre Zaoui

Et si la joie pesait autant qu’une bulle ? Un bel essai sur la nécessité de l’éphémère dans nos vies.

En provoquant par ses maladresses un tsunami de bulles de savon à la fin du film de Blake Edwards The Party, Peter Sellers a fait de la bulle l’objet mythologique d’un enchantement innocent. Une symbolisation puissante de la joie, observe Pierre Zaoui, dont les textes sur la traversée des catastrophes (2010) et sur la discrétion (2013) ont marqué le paysage de la philosophie existentielle de ces quinze dernières années. Prenant au sérieux l’apparente absurdité de cette bulle de rien du tout, dans laquelle il entrevoit le “tout” d’une expérience sensible, le philosophe en fait le socle d’une réflexion métaphysique sur l’enfance. Image de la vulnérabilité autant que de la protection, la bulle dit beaucoup, dans sa pauvreté même, de ce moment de la vie voué à “la grâce et à la légèreté, sans effort et sans inquiétude de l’après”. Dans ce temps où tout n’est encore que “perception pure et vibration sensible”, les mains et les yeux se contentent de la modestie des fabriques à rêves. Rien de solide ne se raccroche à la bulle sinon son inutilité et sa beauté éphémère.

C’est en cela qu’elle concentre dans sa liquidité même le charme de l’enfance, qui s’accommode de son absence de consistance et l’investit comme un lieu de projection, sans arrière-pensée autre que celle de l’instant qui la voit exister et disparaître aussitôt. Le soin que l’enfant porte à son envol et à son éclatement renvoie à ce temps de “l’ineffable”, dans la discrétion d’une traversée de la joie, dont Pierre Zaoui réactive le souffle effacé.

Beautés de l’éphémère – Apologie des bulles de savon de Pierre Zaoui (Seuil), 176 p., 19 €. En librairie le 8 mars.