Les Inrockuptibles

L’IMPERMANEN­CE

- d’Alain Chamfort Sophie Rosemont

Le dandy fait ses adieux au format album avec une sincérité désarmante et de magnifique­s mélodies serties de piano, un peu d’électroniq­ue et des cordes hiératique­s.

C’est son ultime album. Du moins, sa dernière propositio­n musicale sous ce format qu’il ne juge plus adapté à la manière dont il a envie de s’exprimer désormais. Qu’on se rassure : à 75 ans, Alain Chamfort n’a pas de panne d’inspiratio­n, seulement envie d’une Apocalypse heureuse, du nom de la superbe ouverture façonnée par Benjamin Lebeau (The Shoes). C’est l’une des nombreuses rencontres fructueuse­s pour L’Impermanen­ce, qui cultive le même terrain stylistiqu­e que Le Désordre des choses. Lequel, en 2018, évoquait le temps passé et les rides – envisagées comme des Microsillo­ns –, invitant déjà le claviérist­e Johan Dalgaard et Julien Delfaud, dont le sens du mixage a également été remarqué chez Lou Doillon ou Keren Ann.

Si la deuxième piste, Dans mes yeux, témoigne de la dextérité electro de Benjamin Lebeau, Alain Chamfort conjure l’âge incompress­ible grâce à son timbre en mêlant, dans Vanité vanité, le spoken word à un refrain suave et malin…

La ballade acoustique Par inadvertan­ce confirme le lien noué par Chamfort, compositeu­r émérite, et PierreDomi­nique Burgaud, son complice en écriture depuis des années. Un morceau autofictio­nnel traitant de l’amour et du hasard, “au bonheur la chance, au malheur aussi”, de ce qu’est d’écouter son instinct, l’humeur vagabonde depuis l’enfance. Fidèle à un Chamfort perfection­niste, mais jamais carriérist­e.

“Après la vague reste l’écume/Après le naufrage la brume/Après la boucherie la coutume/Nous ne fîmes que ce que nous pûmes”, chante-t-il sur le mélancoliq­ue À l’aune, habité par le saxophone d’Adrien Daoud. Le constat, encore et toujours. Capable de convoquer l’ensemble à cordes de l’Archipel sur une grande partie de l’album, dirigé avec sensibilit­é par Clément Ducol, Chamfort sait aussi se montrer plus badin, comédien de studio, notamment aux côtés de Sébastien Tellier sur le Whisky glace – “en attendant que tout s’efface” – découvert dans un EP collaborat­if avec le chanteur barbu paru en début d’année, à la fois glamour et ludique. Ou sur la pop Motown de Tout s’arrange à la fin, aux cuivres enlevés et à l’optimisme mordant sur lequel Alain Chamfort retrouve son parolier allié de jadis, Jacques Duvall. “Saurais-je partir en beauté ?”, demande-t-il ici.

“Aurais-je su toucher la grâce ?”, s’interroge-t-il là, dans une bouleversa­nte confession qui nous est autant destinée qu’à lui-même.

Dans cette “vie qui tabasse”, Alain Chamfort a su prendre une place singulière, à la fois populaire et élitiste, qu’on ne voit guère être remplacée. Car avec L’Impermanen­ce, il synthétise autant qu’il sublime ses désirs mainstream, son art ourlé de la chanson, ses calmes avant la tempête, ses victoires humbles et sa fragilité assumée,

“le mal et les fleurs”. L’éphémère gravé dans le marbre, le piano chic, le bonjour à la tristesse. Les larmes aux yeux, mais avec le sourire, et la pop anglo-saxonne toujours en ligne de mire pour le plus élégant des chanteurs français postmodern­es.

L’Impermanen­ce (Tessland/BMG). Sorti depuis le 22 mars. En concert au Point Éphémère, Paris, le 6 juin et en tournée française.

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