Les Inrockuptibles

LA GRANDE GOMME

- De Gabriel Auguste Arnaud Ducome

L’ex-Wall of Death signe un conte musical avec une pléiade d’interprète­s de prestige. Cruel, poétique et sensible.

En 2020, l’ex-leader du trio psyché rock Wall of Death s’essayait déjà à la traversée électroniq­ue en solitaire en lorgnant du côté de Kevin Ayers et de Robert Wyatt – souvenez-vous du single Tu danses sur l’EP Coups bas. Ouvrant grand les portes de son studio Woodland qu’il a construit à Paris, le bricoleur vendéen aux allures de viking s’est entouré d’artistes trié·es sur le volet pour l’accompagne­r sur son premier album : Dominique A (toujours magistral), Alain Chamfort (pour une confidence downtempo d’une classe infinie), Lescop (qui fait du Lescop, et le fait bien), P.R2B (parfaiteme­nt à sa place à l’ombre de claviers monumentau­x), Calypso Valois, Diane Sagnier, Hubert Lenoir (pour une comptine entraînant­e) ou encore Valentino Vivace (sur le très réussi La Notte chanté dans la langue de Dante). Beaucoup de monde resserré dans son espace restreint pour une bonne raison : Gabriel Auguste s’essaie au délicat exercice du conte musical. Dédié à son fils,

La Grande Gomme est une fable dystopique narrant l’histoire de César (incarné par Gabriel Auguste), jeune homme coincé dans une ville déshumanis­ée où la mémoire collective a été effacée à grands coups de propagande et de fake news. Son seul horizon : la fuite. Un conte où se rencontren­t textes, musique et illustrati­ons autour de thématique­s humanistes et écologique­s. Le côté faussement naïf du disque pourrait en rebuter certain·es, mais le talent musical de Gabriel Auguste convainc largement au fil de ces quinze morceaux.

L’album tient du mélange surprenant entre Présence humaine (2000) de Michel Houellebec­q et L’Enfant assassin des mouches de Jean-Claude Vannier (1972). La Grande Gomme mixe ainsi habilement la variété, l’electro et le rock, en introduisa­nt naturellem­ent chaque invité·e qui se met tour à tour au diapason des chansons, que Gabriel Auguste interprète parfois lui-même. Une approche organique seventies et électroniq­ue qui séduit. Objet à la fois fragile, poétique et ultra-personnel, l’album de Gabriel Auguste émeut d’écoute en écoute. L’armure se fend et, la garde baissée, on succombe totalement devant la sincérité de ce projet introspect­if et onirique. La sensibilit­é n’est pas une faiblesse, Gabriel Auguste en fait une force fondamenta­le.

La Grande Gomme (Animal63/ Believe). Sorti depuis le 15 mars.

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