PALM ROYALE de Taylor Tate
Intrigues et querelles au royaume des ultrariches : une chronique complaisante d’un monde refermé sur lui-même et déconnecté du reste du pays.
Palm Beach, 1969. Loin de l’agitation d’un pays en pleine mutation, s’affairent sous les cocotiers floridiens les membres du très prestigieux Palm Royale, le club le plus exclusif au monde.Transfuge de classe aux dents longues, Maxine Simmons (Kristen Wiig) est prête à tout pour se faire une place dans cette société d’ultrariches où seules gouvernent les apparences (et le pognon). Encore faudra-t-il se frotter aux gardiennes du temple : un groupe de housewives fortunées, rompues aux collectes de fonds et expertes en garden-parties, qui font la pluie et le beau temps au Palm Royale.
Sur le mode lointainement cynique de Desperate Housewives, voix off lourde en allusions comprise, Palm Royale chronique avec un degré d’acidité variable ce monde sous cloche, hermétique aux transformations du pays. Impeccable en fausse ingénue biberonnée aux concours de beauté
– et dont le désir d’élévation avoisine la maladie mentale –, Kristen Wiig donne la réplique à une galerie de stars au teint hâlé, de Ricky Martin en pool boy ambitieux à Laura Dern en héritière d’un vaste empire financier, vaguement éveillée à la cause féministe.
Hélas, la série créée par Tate Taylor manque cruellement de venin et s’avère inoffensive dès lors qu’il s’agit de décaper véritablement un milieu qu’elle ne fait qu’égratigner et pour lequel elle manifeste une certaine complaisance, voire une fascination aveugle. Quant au décalage, forcément palpable, entre ce monde en vase clos et un pays en pleine ébullition – qui s’enlise dans le bourbier de la guerre du Vietnam et où des citoyen·nes se mobilisent pour les droits civiques –, il n’est que paresseusement effleuré à travers des inserts cathodiques d’allocutions de Nixon, remisés au second plan. Finalement, Palm Royale n’est guère plus qu’un ersatz moderne d’Amour, Gloire et Beauté, plus chic, plus pop et plus glamour, mais inféodé aux mêmes passions : l’argent, les querelles d’héritage et les intrigues de cour d’une poignée d’ultrariches hors sol. Palm Royale de Taylor Tate avec Kristen Wiig, Laura Dern, Allison Janney... Sur Apple TV+ depuis le 20 mars.
“Peut-être que l’on serait plus beau à une autre époque.”
Puis : “Je crois que ceux qui me traitent bien m’intéressent moins.” Ou encore : “J’ai 25 ans et je suis déjà fatigué.” Deuxième jeu de l’Italien Lorenzo Redaelli après le déjà formidable Milky Way Prince – TheVampire Star, Mediterranea Inferno
nous fait partager trois jours et nuits de la vie de trois jeunes gens qui, il n’y a pas si longtemps, furent les rois de la fête milanaise. Après s’être perdus de vue au temps du Covid omniprésent et des confinements, Claudio, Mida et Andrea se retrouvent un été dans les Pouilles à l’approche de Ferragosto, la fête italienne de l’Assomption. Pour renouer avec le passé, le ressasser ou constater qu’ils ont irrémédiablement évolué? Pour reprendre les mêmes rôles ou en changer au sein de ce bizarre triangle plus ou moins amoureux ? Tout l’art de Redaelli consiste à donner une forme à ces interrogations et à pas mal d’autres en passant. Une forme instable, alternativement grandiose et dérisoire, par moments tragique mais toujours scintillante.
Récemment adapté sur console quelques mois après sa sortie sur PC, Mediterranea Inferno appartient au genre du visual novel. Le texte y occupe donc une place essentielle, entre aveux et bravades, aphorismes dandy et name-dropping
choisi (Visconti, Kate Bush, Monica Vitti…). À l’occasion, il faut faire des choix qui peuvent paraître délibérément caricaturaux : nos amis iront-ils en boîte ou au marché, au cimetière ou à la plage ? Parfois, aussi, une option se révèle inaccessible, visible mais barrée (serait-elle inenvisageable pour eux ?), comme dans ce titre fondateur de la fiction interactive moderne qu’était Depression Quest de Zoë Quinn.
Mais c’est d’abord plastiquement que Mediterranea Inferno impressionne, en particulier quand il fait fusionner des univers, des registres, des façons d’être ou de penser qui ne semblaient pas appelées à se rencontrer. Le principe général est celui du rituel ou de la cérémonie, de l’église aux réseaux sociaux en passant par les événements mondains, la mise en scène de (et parfois seulement pour) soi et jusqu’au porno. Surtout, les frontières vacillent entre le réel et ce qui se passe dans la tête de nos héros à travers les “mirages” qu’ils visitent chacun à leur tour. Ces derniers tiennent à la fois du trip (éventuellement mauvais) ésotérique, de la séance de psychanalyse transmuée en féerie pop brutale et de l’expérimentation sur le concept même de niveau de jeu vidéo, avec un début et une fin nets, une cohérence thématique et une tonalité ludique particulière (avec ici une touche de jeu de rythme, là de la poursuite…).
“Nous sommes fluides, changeants, queer dans le plus beau sens du terme”, s’extasie l’un des ragazzi.
Une description qui colle peut-être encore mieux à ce jeu qui les célèbre autant qu’il les met au supplice. “Ton corps est un sacrement”, s’entendent-ils dire. Mais aussi : “Être triste n’est pas un crime.” On n’est en revanche pas tout à fait certain qu’atteindre de telles hauteurs dès son deuxième jeu n’en soit pas un.
Mediterranea Inferno (Eyeguys/Santa Ragione), sur Switch, PS4/PS5, Xbox, Mac et PC, environ 15 €.