Les Inrockuptibles

NI DE LAIT NI DE LAINE d’Emmanuelle Salasc

Toutes les facettes des liens familiaux, des non-dits et de la violence dans un recueil de nouvelles. Une réussite.

- Sylvie Tanette

Certains textes sont inédits, d’autres ont été publiés dans des revues ou lus en public, “parfois dans des versions très différente­s”.

Tous sont le reflet de cet art du minimalism­e développé depuis une vingtaine d’années par l’une des autrices les plus mystérieus­es du paysage littéraire français, Emmanuelle Pagano, qui a récemment décidé de signer de son vrai nom.

Une jeune femme raconte qu’on lui a enlevé son enfant à la naissance, une ado grandit auprès d’une mère alcoolique, un père attend le retour de sa fille, un fils se souvient de la violence du père. Quelques histoires se développen­t sur plusieurs pages, d’autres, les plus marquantes sans doute, tiennent en quelques lignes. Elles permettent de repérer la récurrence de certaines thématique­s : les grossesses précoces, la violence familiale, les secrets. Ces textes toujours rédigés à la première personne donnent une voix à ces anonymes pétri·es de doutes, de malheurs enfouis. L’autrice excelle dans l’art d’incarner sans caricature­r ces existences dans les marges et de leur donner une dignité, nous laissant deviner ce que ses personnage­s ont caché parfois toute leur vie.

Surtout, on mesure d’un texte à l’autre l’étonnante maîtrise de l’écrivaine, son art de la suggestion, de l’ellipse. Tout au bout de chacun de ces textes courts, les dernières lignes semblent comme suspendues, confession­s inattendue­s venant soudain éclairer ce qui précède, et ouvrir un gouffre.

Ni de lait ni de laine d’Emmanuelle Salasc (P.O.L), 400 p., 23 €. En librairie le 4 avril.

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