L'Hebdo de Sèvre et Maine

Leur vie sans alcool

Chaque 3e jeudi du mois, l’associatio­n Vivre sans alcool organise dans le pays de Vallet des réunions destinées aux personnes malades de l’alcool. Dans ces rencontres sans jugement, la parole se libère. Témoignage­s.

- Hervé Pavageau

Vignoble nantais. Aide, écoute, partage. Les trois mots sont répétés comme un slogan. Ils sont au coeur de l’action de Vivre sans alcool (Vi.s.a). Depuis 2012, l’associatio­n organise des réunions pour les personnes alcoolique­s. « Nous sommes tous des malades de l’alcool en rémission. Le meilleur moyen de guérison, c’est l’abstinence » , explique Michaël, président de Vi.s.a. Le rythme des rencontres ouvertes à tous est régulier. Elles ont lieu tous les 3e jeudis du mois sur les six communes de l’ex-communauté de communes de Vallet : Vallet, Le Pallet, La Chapelle-Heulin, Mouzillon, La Regrippièr­e et La Boissière-duDoré. Ici, pas de jugement. La parole, libre, tourne entre les adhérents. A chaque réunion, un tour de parole permet aux membres de parler, d’échanger, de prendre des nouvelles. La bienveilla­nce est le maître mot. Les témoignage­s confidenti­els ne sortent pas de la salle.

Seul un compte rendu, concis, résume brièvement les propos des adhérents. « Cela permet d’avoir un suivi de leur état psychologi­que » , confie le président.

En cette réunion de rentrée, ils sont dix membres. Que des hommes qui habitent le Vignoble nantais. Un chiffre en dessous de la fréquentat­ion habituelle. L’associatio­n compte près de 30 adhérents. Et suit une cinquantai­ne de personnes. Le plus jeune a 30 ans. Et le doyen 70 ans.

Parmi eux, Didier. Le Mouzillonn­ais est le premier à s’exprimer. L’homme affiche neuf ans d’abstinence. « C’est suite au décès de ma femme que j’ai décidé de faire une cure » , dit-il. Son abstinence, Didier la doit à son combat personnel et au soutien des associatio­ns. Comme Vi. s. a. « C’est grâce à elles qu’on s’en sort » , clame celui qui est le trésorier de la structure.

Au soutien, Vi.s.a ajoute une mission d’accompagne­ment. Au gré des besoins, l’associatio­n dirige vers les permanence­s de l’Unité d’addictolog­ie du centre hospitalie­r Daumézon situé à Bouguenais.

A ses côtés, Hubert est aussi un fidèle. L’homme adhère à l’associatio­n depuis sa création. Celui qui travaille dans le milieu du vin est abstinent depuis 13 ans. « Il y a eu des rechutes entretemps » , témoigne-t-il. « Mais pour le moment, tout va bien. Pourvu que ça dure. » Joël n’en est pas là. L’adhérent, ancien de la Croix d’or, suit sa deuxième réunion. Le retraité, sous régime, à qui on a enlevé le pancréas, a été hospitalis­é de novembre 2016 à janvier 2017 pour une tumeur. L’homme est tombé dans l’alcool « suite à des problèmes psychologi­ques » . Et à la souffrance. L’homme, abstinent, prend des médicament­s « pour arrêter de boire » . Il se dit « fatigué » et répète que « ces échanges l’aident » .

Son voisin de table, un homme aux cheveux blancs, enchaîne. « Ivre, je suis tombé dans le coma après une chute. » Envoyé en maison de repos à Clisson, l’homme « sans famille » prend des médicament­s, « la béquille, le gendarme » pour arrêter de boire. « Je n’avais pas le choix » , lance-t-il. « Le personnel soignant m’a dit que si je continuais, ce serait le cimetière. » Aujourd’hui abstinent, l’adhérent ne touche plus une goutte d’alcool. « Le plus dur, c’est le début. Les gens me servaient. Il m’a fallu du courage pour dire que j’avais arrêté de boire » . Aux réunions, l’homme est assidu. « J’étais tout penaud. Et gêné de parler de moi, de mon cas » . Autour de la table, le bénévole se trouve sur un pied d’égalité. Et parle maintenant simplement. « L’alcool ? Aujourd’hui, j’y touche plus, ça me dégoûte. Rien qu’à l’odeur. »

Même volonté chez JeanClaude. L’ouvrier viticole, malade de l’alcool, a arrêté de consommer il y a plus d’un an et demi. « Suite à un accident de scooter. » L’employé n’a plus de permis depuis 2001, à cause de l’alcool. « J’avais déjà eu des problèmes. Mais jamais d’accident. » La malléole de cassée, Jean- Claude décide d’arrêter. Après une cure et les médicament­s, le salarié tient bon. Malgré les nombreuses sollicitat­ions. « Ça ne me dérange pas. En ce moment, pour ceux qui viennent, il y a le vin nouveau. Moi, j’ai mon jus de raisin » , souligne celui qui songe à repas- ser son permis de conduire. Ce déclic qui l’a poussé à arrêter, Philippe l’a eu il y a sept ans. « C’est la peur de perdre ma femme et mon fils qui a tout déclenché » , dit-il. Le chauffeur routier qui ne buvait pas la semaine s’alcoolisai­t le week-end. Fortement. Cela, c’était avant. « Aujourd’hui, ça se passe super bien » , avoue l’abstinent.

La soixantain­e, Alain a commencé à boire jeune. « Dès 16 ans » , précise-t-il. Pendant vingt ans, le salarié qui boit pendant ses journées de travail plonge. A 36 ans, après un retrait de permis, Alain décide d’arrêter « pour garder le boulot » . Un choc aussi plus intime le convainc de tout stopper. « C’est ma petite nièce. A l’époque, elle avait quatre ans. Un jour que j’arrivais chez mon frère, ses premières paroles ont été de dire : il est encore saoul. »

C’est la descente aux enfers. La spirale l’entraîne dans la dépression, un internemen­t au centre hospitalie­r de Montbert et la prise massive de médicament­s. Après une cure à Tours de trois mois, Alain s’en sort. Il y a bien eu deux petites rechutes. Mais après, plus une goutte. « Je n’y ai jamais retouché » , souligne celui qui annonce 23 ans d’abstinence.

Ce que retient Yannick de ces années de maladie, ce sont les pertes de mémoire. « On oublie tout, c’est terrible. J’étais incapable de me rappeler ce que je devais ramener sur le chantier de la veille au soir » , explique l’ancien maçon. Pour préparer la journée de travail, pas d’autre choix que se lever tôt le matin. Et d’aller voir le chantier. « Je faisais parfois plusieurs dizaines de kilomètres. » A 28 ans, l’ouvrier qui a pris des responsabi­lités est rongé par l’alcool. « Je ne dormais pas avant minuit. Et pour m’empêcher de trembler, je prenais deux verres de vin avant le café. » Le jeune homme décide d’arrêter. Le sevrage dure deux mois. Yannick a gagné sa bataille. Il ne boit plus depuis 34 ans.

La lutte de Michaël a été plus longue. Et plus difficile. « Il y a eu des rechutes » , exprime l’ancien viticulteu­r. Dont une à quarante ans. « Un passage difficile pour moi » . C’est la honte d’être saoul devant sa famille et ses enfants qui donne au Valletais le courage d’arrêter en 2010. « Je me suis fait une promesse. Celle de créer une associatio­n pour aider les gens si je gagne mon combat » , témoigne- til. Deux ans plus tard, Michaël lance Vi.s.a. « A la première réunion de bureau, dix personnes attendaien­t devant la salle » , se souvient-il. Promesse tenue !

Le médicament, une béquille « Peur de perdre ma femme » « On oublie tout, c’est terrible »

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 ??  ?? A chaque réunion, l’associatio­n organise un tour de parole. Moment important d’écoute, de soutien et d’accompagne­ment.
A chaque réunion, l’associatio­n organise un tour de parole. Moment important d’écoute, de soutien et d’accompagne­ment.

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