A la rencontre des chrétiens d’orient
Les fêtes de Pâques donnent lieu chaque année, à Jérusalem, au miracle de la descente du feu sacré : le samedi saint, une lampe s’illumine miraculeusement dans le tombeau du Christ. En 1101, le miracle attendu ne se produit pas. Le patriarche latin, nouveau chef de l’église de Terre sainte, accuse alors l’absence d’unité des chrétiens, et ce sont les prières communes des Latins, des Grecs et des autres chrétiens d’orient qui obtiennent finalement la venue du miracle. Dans cette histoire sont rassemblés tous les ingrédients de la rencontre entre chrétiens d’orient et d’occident, étudiée par Camille Rouxpetel ( L’occident au miroir de l’orient chrétien. Cilicie, Syrie, Palestine et Égypte, xiie-xive siècle, École française de Rome, 2015) : l’appropriation des Lieux saints par les Latins, la soumission de l’église grecque, l’expulsion des fidèles des autres Églises orientales, mais aussi la communauté de foi des chrétiens priant en des langues différentes. Aux yeux des Latins, les chrétiens d’orient qui n’obéissent pas au pape sont à la fois schismatiques et hérétiques. Ils sont aussi coupables d’avoir abandonné la Terre sainte aux musulmans ; les croisés, ayant versé leur sang pour la libérer, se pensent à l’inverse comme ses seuls possesseurs légitimes. La latinisation de l’église orientale doit ainsi marquer le transfert à l’occident d’une histoire sainte commencée en Orient. Cependant, après la perte de Jérusalem (1187) et la chute des États latins d’orient (1291), les prédicateurs et les pèlerins occidentaux qui continuent d’affluer en Terre sainte redécouvrent les chrétiens d’orient sous un jour nouveau. Renonçant à rapprocher leurs croyances et leurs rites de ceux de l’église de Rome, ils préfèrent partager avec eux l’expérience charnelle et spirituelle du pèlerinage. La ferveur de leur foi et l’ascétisme de leurs moines font même parfois des chrétiens d’orient un exemple pour les Latins, et la source d’une critique de la chrétienté d’occident, en un étonnant renversement du romanocentrisme qui animait les projets de croisade.