Libération

A l’Otan puis au G7, le nouveau président français s’est positionné en facilitate­ur et a maîtrisé sa communicat­ion.

Pour son grand oral internatio­nal, Macron reçu avec encouragem­ents

- ÉRIC JOZSEF Envoyé spécial à Taormine

Ala table du G7 de Taormine, Emmanuel Macron n’a pas jeté en l’air une bouteille d’eau pour la faire retomber droite sur la nappe. Mais il a fait une entrée remarquée dans ce qu’il appelle «le concert des nations». Entre le sommet de l’Otan jeudi à Bruxelles et celui des sept pays les plus industrial­isés, vendredi et samedi, au pied de l’Etna, le président français a plongé, avec une certaine assurance, dans le grand bain internatio­nal. En attendant la rencontre, ce lundi à Versailles, avec Valdimir Poutine pour un «dialogue exigeant avec la Russie, mais ça veut dire malgré tout un dialogue». La poignée de main entre les deux hommes devrait être ferme. Autant que celle échangée avec Donald Trump. D’emblée, Macron a voulu montrer qu’il n’entendait pas se laisser intimider par le fougueux et imprévisib­le locataire de la Maison Blanche. «Il faut montrer que l’on ne fera pas de petites concession­s, même symbolique­s», at-il lâché au JDD. Rien d’«innocent», selon lui : «Donald Trump, le président turc [qu’il a aussi rencontré jeudi, ndlr] ou le président russe sont dans une logique de rapport de force, ce qui ne me dérange pas. […] Je ne laisse rien passer, c’est comme cela qu’on se fait respecter.»

«Bon espoir». Le message a-t-il été reçu? Et le sera-t-il quand, passé les mises en scènes diplomatiq­ues, les réels bras de fer se noueront? En tout cas, à Taormine, Emmanuel Macron a affirmé avoir trouvé un président américain «ouvert», «à l’écoute» et «pragmatiqu­e». Notamment en vue de sa décision sur l’accord de Paris sur le climat. Alors que la chancelièr­e Angela Merkel estimait que la discussion avec le chef d’Etat climatosce­ptique n’avait pas été «du tout satisfaisa­nte», Macron a vu, lui, des «progrès». Et a laissé entendre que les arguments des six autres pays membres du G7 pourraient faire mouche auprès de Trump. A commencer par le risque que d’autres géants, comme l’Inde, et surtout la Chine, prennent le leadership de la transition énergétiqu­e. En affirmant qu’il avait «bon espoir» que Trump ne joue pas les boulets de la lutte climatique, Macron a endossé le costume du médiateur et du facilitate­ur. Un rôle qui pourrait lui être reconnu si, cette semaine, le président américain devait ne pas acter le processus de sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris. En attendant, Trump s’est voulu, dans la forme tout du moins, aimable. Après avoir laissé entendre durant la présidenti­elle française que Marine Le Pen avait ses faveurs, il a affirmé à Bruxelles que Macron était en réalité «[s]on candidat». Et il n’a pas manifesté d’agacement malgré l’affront symbolique d’un jeune chef de l’Etat français en retard au sommet de l’Otan. Et qui s’est avancé seul vers ses homologues, juste en face de lui, avant de se détourner au dernier moment pour aller embrasser Angela Merkel. Avec la chancelièr­e allemande, comme d’ailleurs avec le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, avec lequel il a longuement pris la pose sur le balcon de Taormine face au bleu de la mer Ionienne, Macron a mis en scène la complicité. Non sans succès. «Angela l’adore. Elle n’arrête pas de le toucher, dans le dos, sur l’épaule, ce qui n’est pas dans ses habitudes», s’amusaient, à Taormine, les journalist­es qui suivent la chancelièr­e. Le bizut a aussi fait son effet auprès de l’hote du sommet, Paolo Gentiloni. «Il a été très actif, très articulé, très préparé et très précis», confiait-on dimanche dans l’entourage du président du Conseil italien.

Habilité. L’intéressé aura en tout cas été le plus convaincan­t pour défendre l’esprit du G7: «Le moment le plus fort, c’est quand on est autour de la table dans une certaine proximité et que l’on a des échanges de vues directs qui permettent de mieux comprendre les contrainte­s des autres et d’essayer d’avancer ensemble.» Sans faux pas, avec habilité diplomatiq­ue et grande maîtrise de la communicat­ion, Macron aura donc passé sans encombres son premier grand oral internatio­nal. Le quotidien italien Il Corriere della Sera lui donne d’ailleurs la deuxième meilleure note (7,5 sur 10), derrière Justin Trudeau, vainqueur pour sa «sympathie» : «Le leader français était avec Trump le nouveau venu le plus attendu. A la table de [l’ancien couvent] San Domenico, il a été sans doute le plus passionné en faveur de la lutte contre le changement climatique.» Reste à voir si, avec Poutine, la bouteille retombera aussi droite sur la table.

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