Macron noie la colère des maires
Sifflé à son arrivée Porte de Versailles à Paris, le Président a fixé son propre cap jeudi devant les édiles, confirmant la suppression de la taxe d’habitation pour 80% de la population et les 13 milliards d’euros d’économies.
Accueilli par quelques francs sifflets, le chef de l’Etat a quitté le congrès des maires, jeudi soir, sous les applaudissements polis, plus républicains qu’enthousiastes, des quelque 4000 élus locaux venus entendre son discours de clôture. Ceux qui espéraient quelques concessions sur les points les plus contestés de sa politique auront été déçus : à grand renfort de pédagogie, Emmanuel Macron a confirmé l’effort budgétaire de 13 milliards d’euros demandés aux communes tout comme la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables qui la paient. Avant de prendre la parole, il a dû entendre, pendant une bonne heure, la longue plainte des représentants des élus locaux. Anne Hidalgo, maire de Paris, lui a assez gentiment fait remarquer que le monde moderne était «plus horizontal que vertical» et que l’exécutif devait respecter la décentralisation et «le besoin d’autonomie» des collectivités. François Baroin, président de l’Association des maires de France (AMF), a demandé de la «considération» pour ces élus de terrain dont il a célébré avec lyrisme l’engagement, évoquant ces soirées passées «au bord du stade, pour le match des minimes […]. Vous n’avez entendu qu’une expression atténuée de la réalité de nos sentiments», a-t-il plaisanté à propos du discours prononcé avant lui par son numéro 2, le socialiste André Laignel. Bel euphémisme.
Huées.
Donnant lecture d’une résolution votée le matin même dans le huis clos du bureau de l’AMF, Laignel a cogné comme un sourd. Contestant à peu près toutes les initiatives gouvernementales, et provoquant à leur simple évocation les huées de la salle : la suppression de la taxe d’habitation, accusée de mettre «gravement en cause l’autonomie fiscale des communes» et «d’amplifier les inégalités», l’injuste réduction des dépenses demandée aux collectivités qui ont déjà «pris plus que leur part dans le rétablissement des comptes publics». Très remonté, André Laignel a sommé encore le président de la République de revoir à la baisse «la contribution du bloc local à la réduction de la dette publique» dans le projet de loi de finances en cours de discussion. Le propos se terminait par une menace: «à défaut d’être entendue», l’AMF menace de suspendre sa participation à la Conférence des territoires, instance de dialogue entre l’exécutif et les collectivités inaugurée cet été.
Douche froide.
La menace n’a manifestement pas impressionné le chef de l’Etat, qui a introduit son discours avec cette mise au point hautement «jupitérienne»: «Ce que j’ai à vous dire n’a pas vocation à vous satisfaire… mais à être appliqué.» Pour amadouer son auditoire, Macron a bien voulu reconnaître que le dialogue avait été très mal engagé le 17 juillet, lors de la première édition de la Conférence des territoires. «L’Etat n’a pas été à la hauteur. Il est vrai que certaines mesures n’ont pas été dûment concertées», a-t-il concédé. C’est en effet à l’occasion de ce rendez-vous qu’a été annoncé que l’effort demandé aux communes serait de 13 milliards d’euros, économisés en limitant à 1,2 % par an la hausse des budgets de fonctionnement. S’il regrette la méthode, Macron ne bouge pas sur le fond. Une douche froide pour les responsables des associations d’élus qui espéraient, au minimum, que ce plafond de 1,2% soit augmenté du taux d’inflation. «Merci pour vos colères ! Merci pour vos engagements!» a-t-il ajouté. Sûr de son affaire, Macron s’est payé le luxe de prendre congé des maires avec ces mots magnanimes. Il trahissait ainsi plutôt son soulagement. Pas de colère, en effet. Mais des questions chez ces élus: en quittant le Parc des expositions de la porte de Versailles, beaucoup se demandaient s’ils ne venaient pas de se faire légèrement rouler dans la farine. •