Au Milipol, la torture tient salon
Du ruban rouge et blanc ferme désormais le stand 232 de l’allée F, hall 6 du Parc des expositions de Villepinte où se tient toute la semaine le salon de «la sécurité intérieure» Milipol. Avant que ne soit posé le rubalise, mercredi soir et en catastrophe, cet espace de quelques mètres carrés abritait des instruments de torture. C’est un chercheur d’Amnesty International qui l’a découvert, mardi. «Il y avait des “bracelets” qui envoient des décharges électriques», décrit Aymeric Elluin. Du matériel de «contrainte physique» dont l’Union européenne a proscrit l’importation et l’exportation en 2006, l’exposition ou même la promotion en 2016.
Cuisses. Sous la fière affiche «China Pavillon», l’entreprise Origin Dynamic a pourtant exposé ses «bracelets» électriques, qui s’attachent aux cuisses. Interpellé par Amnesty, le président de Civipol, qui organise le salon, a ordonné la fermeture du stand. Comment ces équipements ont-ils pu entrer dans l’UE ? Contacté, le préfet Yann Jounot, à la tête de Civipol, ne nous a pas répondu. De son côté le salon Milipol n’a pas d’explication et ne nous a pas indiqué quelles suites il comptait donner à ces infractions.
Pour Amnesty, la présence même de ces équipements en France interroge. «Les Etats occidentaux contrôlent très strictement tous les biens à double usage qui pourraient entrer dans la composition d’armes de destruction massive, mais les standards ne sont pas les mêmes pour les équipements de torture. Pourquoi le gouvernement ne fait-il pas preuve de la même vigilance ?» déplore Aymeric Elluin. Dès mercredi soir, la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a vivement réagi sur Twitter : «Tout simplement atroce.» En septembre, l’UE a lancé, sous sa houlette, l’«Alliance pour des échanges commerciaux sans instruments de torture» pour promouvoir la législation européenne en la matière. En plus d’exposer son attirail, Origin Dynamic faisait la promotion d’autres instruments tout aussi proscrits par l’UE. Une brochure vantait notamment sa «spike electric shock riot fork», sorte de longue fourche administrant des décharges électriques.
Piques. Origin Dynamic n’est pas la seule à faire ce genre de publicité illégale. Dans une brochure de l’exposant China Pioneer, le chercheur d’Amnesty a découvert une matraque couverte de piques. Formellement interdite là encore. Tout sourire, une responsable du stand dit regretter et nous assure avoir déchiré le catalogue en question. La directrice du salon, Muriel Kafantaris, assure pourtant à Libération que les exposants étaient informés en amont. Mais chez les contrevenants, un seul argument : «On ne savait pas.»
PIERRE ALONSO