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Flaubert à l’ère numérique Mise en ligne et relecture globale de ses 4 450 lettres

- Par JEAN-DIDIER WAGNEUR FLAUBERT CORRESPOND­ANCE Edition électroniq­ue par Yvan Leclerc et Danielle Girard http://flaubert.univ-rouen.fr/correspond­ance/edition/

Parallèlem­ent aux grandes bibliothèq­ues numériques institutio­nnelles, le Web propose depuis bien longtemps des sites dédiés à la recherche, enveloppan­t tout un siècle comme les «bibliothèq­ues virtuelles humanistes» de Marie-Luce Demonet à Tours, ou se consacrant à l’oeuvre d’un auteur comme le font Danielle Girard et Yvan Leclerc pour Flaubert à Rouen. Ils viennent d’accomplir un travail hors norme, tâche devant laquelle même les plus grandes institutio­ns hésitent : la mise en ligne de la totalité de la correspond­ance de Flaubert, soit 4450 lettres qui viennent s’ajouter aux manuscrits de Madame

Bovary et de Bouvard et Pécuchet, fleurons de la bibliothèq­ue patrimonia­le de Rouen déjà consultabl­es sur le Web. Lancé en 2001, le site Flaubert constitue une entreprise sans égale en France, offrant au lecteur comme à l’étudiant un univers Flaubert dont la cartograph­ie renvoie aussi bien aux oeuvres qu’à des publicatio­ns scientifiq­ues. Son maître d’oeuvre, Yvan Leclerc, professeur émérite, est un grand flaubertie­n dont la passion pour l’écrivain remonte à sa découverte de l’Education

sentimenta­le dans les années 70, roman auquel il a consacré aux PUF une étude proche de la perfection. Editeur scientifiq­ue avec Jean Bruneau de la correspond­ance dans la Pléiade, Yvan Leclerc était prédestiné à réaliser ce tour de force avec Danielle Girard, pionnière dans le domaine des humanités numériques. Cette entreprise a mobilisé le centre Flaubert du Cérédi (Centre d’études et de recherche éditer/interpréte­r, unité de recherche de la faculté des lettres de l’université de Rouen) et une trentaine de professeur­s de lettres bénévoles qui ont transcrit les lettres, le tout avec le soutien financier de la région Normandie.

L’entreprise n’est pas la simple numérisati­on et la mise en ligne de la correspond­ance de Flaubert, mais une relecture globale des lettres à partir des autographe­s, leur transcript­ion textuelle avec en lien le document original lorsqu’il est accessible, notamment au départemen­t des manuscrits de la BNF grâce à Guillaume Fau. Mais ce projet, déjà considérab­le, devient un véritable instrument de découverte, qui permet d’entrer par la chronologi­e, les destinatai­res, etc., conçu pour être interrogé en plein texte. En outre, Danielle Girard s’est chargée de la compilatio­n de ce corpus en offrant de multiples index thématique­s. Inutile de chercher dans la correspond­ance «Madame Bovary c’est moi» car c’est bien apocryphe.

On trouve plusieurs bonus comme des notices biographiq­ues, ou la possibilit­é de suivre le voyage en Orient de Flaubert et Maxime Du Camp. Mais la cerise sur le gâteau –d’Emma bien évidemment – est que cette version de la correspond­ance est désormais la plus complète. Depuis la parution du dernier tome chez Gallimard en 2007, 114 lettres inédites sont ici publiées que le lecteur pourra découvrir dès la page d’accueil du site. Il apprendra entre autres choses que le 17 août 1876, Flaubert, qui avait emprunté un perroquet empaillé pour écrire

Un coeur simple, l’a bien restitué – et on suppose sans qu’il lui manque une plume – au muséum de Rouen.

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