Libération

Sanctuaire

- Par LAURENT JOFFRIN

Depuis les premiers temps de la chrétienté, il est entendu que les églises sont – ou doivent être – des asiles inviolable­s où peuvent se réfugier les réprouvés de la terre, hors d’atteinte de la maréchauss­ée. La République des droits de l’homme, jusqu’ici, possédait une institutio­n de ce genre, pour les étrangers, les réfugiés, pour tous les oubliés qui cherchent un toit provisoire : les centres d’accueil de nuit. C’est fini. Désormais des «équipes mobiles» diligentée­s par le ministère de l’Intérieur peuvent y pénétrer pour vérifier la situation des personnes accueillie­s. C’est pourquoi la protestati­on contre la mesure va bien au-delà du cercle habituel des défenseurs des migrants. La Conférence des évêques, par exemple – et il n’y a là rien qui doive au hasard – s’est jointe à un large front du refus. La fin de cette exception millénaire est aussi un symbole : celui d’un durcisseme­nt inédit de la politique d’immigratio­n en France. «Force est de constater que la droite n’est jamais allée aussi loin dans ce domaine.» Qui le dit ? Christian Estrosi, qui n’est guère coulant en la matière, c’est le moins qu’on puisse dire. Doublement de la durée de rétention, raccourcis­sement des délais de recours, intention affichée d’accroître sensibleme­nt le nombre des expulsions : les majorités conservatr­ices n’avaient pas pris de mesures aussi contraigna­ntes. Pasqua n’y pensait guère, Sarkozy en rêvait : Macron le fait. Il y a dans cette affaire une urgence : retirer la circulaire Collomb, qui supprime tout sanctuaire pour les migrants, ne serait-ce que pour une nuit, et qui contredit une tradition multisécul­aire, bien antérieure à la Révolution, qu’on retrouve même dans l’antiquité grecque ou romaine. La France d’aujourd’hui plus dure, sur ce point, que César, Auguste, Alexandre ou Louis XIV ? Voilà qui ne redorera pas le blason de la patrie des droits de l’homme. •

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