Sanctuaire
Depuis les premiers temps de la chrétienté, il est entendu que les églises sont – ou doivent être – des asiles inviolables où peuvent se réfugier les réprouvés de la terre, hors d’atteinte de la maréchaussée. La République des droits de l’homme, jusqu’ici, possédait une institution de ce genre, pour les étrangers, les réfugiés, pour tous les oubliés qui cherchent un toit provisoire : les centres d’accueil de nuit. C’est fini. Désormais des «équipes mobiles» diligentées par le ministère de l’Intérieur peuvent y pénétrer pour vérifier la situation des personnes accueillies. C’est pourquoi la protestation contre la mesure va bien au-delà du cercle habituel des défenseurs des migrants. La Conférence des évêques, par exemple – et il n’y a là rien qui doive au hasard – s’est jointe à un large front du refus. La fin de cette exception millénaire est aussi un symbole : celui d’un durcissement inédit de la politique d’immigration en France. «Force est de constater que la droite n’est jamais allée aussi loin dans ce domaine.» Qui le dit ? Christian Estrosi, qui n’est guère coulant en la matière, c’est le moins qu’on puisse dire. Doublement de la durée de rétention, raccourcissement des délais de recours, intention affichée d’accroître sensiblement le nombre des expulsions : les majorités conservatrices n’avaient pas pris de mesures aussi contraignantes. Pasqua n’y pensait guère, Sarkozy en rêvait : Macron le fait. Il y a dans cette affaire une urgence : retirer la circulaire Collomb, qui supprime tout sanctuaire pour les migrants, ne serait-ce que pour une nuit, et qui contredit une tradition multiséculaire, bien antérieure à la Révolution, qu’on retrouve même dans l’antiquité grecque ou romaine. La France d’aujourd’hui plus dure, sur ce point, que César, Auguste, Alexandre ou Louis XIV ? Voilà qui ne redorera pas le blason de la patrie des droits de l’homme. •