Libération

En Tchétchéni­e, un coup «grossièrem­ent monté» pour se débarrasse­r d’une ONG

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La persécutio­n continue et s’intensifie. Oyub Titiyev, le directeur de l’antenne tchétchène de l’ONG de défense des droits de l’homme Memorial, est placé en détention provisoire pour deux mois pour possession de drogue, que la police assure avoir trouvé dans sa voiture. Dès son arrestatio­n, lundi, les policiers l’ont menacé : s’il n’avoue pas, sa famille aura de gros problèmes. Mercredi, la menace a été mise à exécution. A la recherche de son frère Iakoub et de son fils Bekhan, la police a fait irruption dans la maison de Titiyev. Ne les trouvant pas, les policiers ont brutalemen­t expulsé les femmes, avant de fermer la maison à clé.

«Oyub n’a rien avoué, rien signé, et, à notre connaissan­ce, n’a pas fait l’objet de violences physiques. Mais il est sous une pression psychologi­que terrible», explique Tanya Lokshina, directrice de Human Rights Watch Russie, jointe par téléphone. Selon elle, ce coup «grossièrem­ent monté» a pour objectif de se débarrasse­r définitive­ment de Memorial en Tchétchéni­e. Malgré l’assassinat en 2009 de la journalist­e Natalia Estemirova et les menaces répétées contre tous ses militants locaux ces dernières années, l’ONG n’a pas cessé d’enquêter sur les exactions commises par les forces de l’ordre tchétchène­s, et notamment les exécutions sommaires de jihadistes. En tant que directeur de l’ONG gênante, Titiyev était dans le viseur des autorités.

Pour Tanya Lokshina, les sanctions américaine­s, peu avant Noël, à l’encontre de Ramzan Kadyrov, ont pu servir de déclencheu­r à la mise en oeuvre des menaces. Le très autoritair­e leader de la Tchétchéni­e a vu sa page Facebook et son compte Instagram, suivi par plus de 3 millions de personnes, et qu’il alimentait frénétique­ment, fermés dans la foulée. Il faut dire que les propos de son fidèle adjudant, Magomed Daoudov, le président du Parlement tchétchène, dit «Lord», font froid dans le dos : «Derrière les sanctions et le blocage des comptes du leader de la république de Tchétchéni­e sur les réseaux sociaux se trouvent les pseudo-défenseurs des droits de l’homme», a-t-il déclaré solennelle­ment le 25 décembre. «S’il n’y avait pas de moratoire en Russie [sur la peine de mort, ndlr], il faudrait simplement [se débarrasse­r] des ennemis du peuple».

VERONIKA DORMAN

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