Charnier en Birmanie : l’armée reconnaît sa responsabilité
«Des villageois et des membres des forces de sécurité ont avoué avoir commis un meurtre […]. Comme il n’y avait pas de possibilité de transférer les dix terroristes bengalis au poste de police d’Inn Din, il a été décidé de les tuer», a expliqué l’armée birmane dans un post Facebook mercredi. C’est la première fois que l’armée reconnaît une entorse à la loi, bien que plus de 650000 Rohingyas, minorité musulmane persécutée vivant dans l’Etat d’Arakan, ont fui en quatre mois au Bangladesh voisin. Cette annonce fait suite à la découverte, en décembre, d’une fosse commune à Inn Din, un village peuplé de musulmans et de bouddhistes. Comme des centaines d’autres, il a été le théâtre d’une descente des forces de l’ordre après l’attaque, le 25 août, d’une trentaine de postes de police par des groupes de rebelles rohingyas. Alors qu’ils enquêtaient sur ce charnier, deux journalistes birmans travaillant pour Reuters ont été arrêtés le 12 décembre par la police et sont toujours détenus. Ils risquent quatorze ans de prison pour avoir «enfreint la loi sur les secrets d’Etat».
Des témoins racontent que les soldats, accompagnés de miliciens bouddhistes, ont encerclé le village le 28 août, en tirant sur les habitants qui fuyaient, et sont restés trois jours sur place, pillant et brûlant les maisons. «Les villageois qui n’ont pas pu s’enfuir dans la montagne sont restés sur la plage. Le dernier jour, le 31 août, dix hommes qui se trouvaient parmi les gens sur la plage ont été emmenés par l’armée. Puis ils ont été tués et enterrés dans le cimetière rohingya pour faire accuser les rebelles rohingyas», explique un témoin réfugié au Bangladesh joint par les réseaux sociaux. Sur une photo prise par un habitant bouddhiste et que s’est procurée Libération, les dix hommes, âgés de 20 à 45 ans, sont agenouillés au sol juste après leur arrestation. L’armée assure, elle, que les faits se sont déroulés le 2 septembre, alors que «200 terroristes bengalis les attaquaient avec des bâtons et des épées». «Des villageois bouddhistes, qui avaient perdu des proches dans les attaques de militants, voulaient tuer les captifs et les ont poignardés après les avoir poussés jusqu’à une fosse commune. Alors les membres des forces de sécurité les ont achevés», précise l’armée dans son communiqué. D’après une enquête de MSF, les violences ont fait au moins 6700 morts parmi les civils birmans, dont au moins 730 enfants. LAURENCE DEFRANOUX