Libération

«Ebdo» sur les rails et déroutant

Le premier numéro du mag de l’équipe de «XXI» arrive dans les kiosques ce vendredi. Mais n’a pas convaincu la profession.

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C’est peut-être bon signe pour eux. Lors de la soirée de lancement, mercredi à Paris, le premier numéro d’Ebdo a été, derrière les sourires de façade et de rigueur, accueilli fraîchemen­t par les profession­nels des médias qui s’étaient déplacés, impatients d’avoir l’objet en main. «Couv moche, sommaire inintéress­ant, style plat», a-t-on ainsi entendu l’un d’eux trancher, une cigarette au bec sur le trottoir. «C’est ça, la révolution de la presse ?» ironisait un autre au bar. «Pas très végétarien», commentait une dernière, effarée par le choix de publier une recette de «poêlée de palourdes au curry vert».

«Normcore».

C’est peu dire que le petit monde de la presse parisienne – qui ne brille pourtant pas ces derniers temps par sa faculté à vendre des journaux– a été dérouté par la nouvelle création des concepteur­s des revues XXI et 6 Mois, encensées pour leur esthétique léchée et leur journalism­e de haut vol. Sans doute est-ce parce que ce public urbain surinformé, maîtrisant pleinement les rites et les codes de la presse, n’est pas la cible première d’Ebdo. Tiré à 200 000 exemplaire­s ce vendredi, il est vendu en kiosque au prix bas de 3,50 euros. En comparaiso­n de ses aînés XXI et 6 Mois, le magazine se caractéris­e plutôt, il est vrai, par sa maquette «normcore» (merci à la collègue qui nous a soufflé cet adjectif ), son écriture mollassonn­e et ses sujets de vie très quotidienn­e. Bien malin qui aurait anticipé lire dans Ebdo une double page enseignant comment transforme­r son sapin de Noël en lampe de salon. Dans notre vie, on a lu des choses plus excitantes que l’interview du patron de Système U, Serge Papin, gentiment questionné sur ses goûts culturels et leur influence sur sa «conscience sociale». Mais peut-être est-on aveuglé par notre snobisme. Remarquons tout de même que la grande enquête de couverture, consacrée à la SNCF, ne ménage ni la compagnie publique ni son PDG, Guillaume Pepy. Ebdo sait donc aussi être mordant.

«Jachère».

«On s’est donné comme obligation d’être accessible, de parler de façon claire des sujets importants», dit la codirectri­ce de la rédaction, Constance Poniatowsk­i. «Pas de pose, pas de posture», résume le codirecteu­r, Patrick de Saint-Exupéry, pour qui «c’est plus facile d’être classe que d’être simple». Et Laurent Beccaria, président d’Ebdo, d’ajouter vouloir aller trouver un «public en jachère» qui a fui une presse nationale devenue trop intimidant­e pour lui. «Nous voulons faire un journal qui intéresse les gens à leur vie», conclut le président d’Ebdo. Pour équilibrer son gros budget annuel de 13 millions d’euros, le magazine vise 70 000 abonnés (qui, belle innovation, peuvent choisir le tarif de leur abonnement) et 20 000 ventes au numéro d’ici la fin 2019. Un pari raisonnabl­e. Mais audacieux, vu l’époque.

J.Le.

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