Le «Projet Daphne» sur les traces de la journaliste maltaise assassinée
Le 16 octobre, quelques minutes après que la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, 54 ans, quitte le domicile familial, son fils entend une explosion. Rapidement, il comprend que sa mère a été assassinée. Une bombe a été posée sous sa voiture. Clairement opposée au Parti travailliste et au Premier ministre de Malte, sur lesquels elle enquêtait régulièrement, elle n’était pas pour autant tendre avec son adversaire, le Parti nationaliste. Avant sa mort, la journaliste travaillait sur la corruption et le blanchiment d’argent à La Valette, la capitale de Malte, ses sujets de prédilection. Depuis la mort de cette journaliste indépendante, la plus célèbre et la plus controversée du pays, un consortium de journalistes européens s’est engagé à poursuivre ses enquêtes. C’est le but du «Projet Daphne» lancé par Forbidden Stories, une plateforme à laquelle les journalistes qui se sentent menacés peuvent adresser leurs travaux afin que leurs enquêtes survivent. Un groupe de 45 journalistes issus de 18 médias a enquêté pendant cinq mois sur la mort de Daphne Caruana Galizia et les documents qu’elle avait laissés derrière elle. Le Monde, France 2 (et Premières lignes, la société de production de Cash investigation) ainsi que Radio France représentent la France dans ce consortium. Toute la semaine, les médias partenaires de Forbidden Stories vont dévoiler le résultat de leur travail. Les articles déjà publiés concernent les circonstances de la mort de la journaliste. Son mari et ses fils témoignent des pressions qu’elle subissait peu de temps avant son décès dans une vidéo publiée par le Guardian.
Si trois hommes ont bien été arrêtés par la police maltaise, la famille de Daphne Caruana Galizia reste persuadée qu’ils n’étaient que les exécutants, et non les têtes pensantes de l’opération. La liste des personnes susceptibles de vouloir sa mort est longue : du Premier ministre maltais, Joseph Muscat, au ministre de l’Economie, Chris Cardona. Ce dernier est pointé du doigt par les proches de la journaliste. L’autre volet de l’enquête de Forbidden Stories s’intéressera à la corruption maltaise. Une impressionnante quantité de fichiers, 680000, avait été récolté par Daphne Caruana Galizia. D’après le Guardian, «Projet Daphne» va exposer «les dangers que la corruption de la politique maltaise ainsi que le blanchiment d’argent présumé font peser pour la loi et l’ordre en Europe».
INÈS EL KALADI