Libération

Un ministre électron libre mais bien dans l’orbite de l’exécutif

Nicolas Hulot est sorti de son mutisme pour défendre l’action du gouverneme­nt dans la ZAD. Depuis un an, il oscille entre suivisme et pas de côté sur certains dossiers.

- CORALIE SCHAUB avec DOMINIQUE ALBERTINI et ALAIN AUFFRAY

L’invité surprise. Personne n’avait anticipé la venue de Nicolas Hulot à Nantes, mercredi, pour présider la rencontre entre la préfète des Pays-de-la-Loire et une délégation d’occupants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Il est vrai que le ministre de la Transition écologique s’est montré plutôt discret ces dernières semaines. Il y a bien eu son coup de gueule, fin mars, après le cri d’alarme des scientifiq­ues sur la chute «vertigineu­se» des population­s d’oiseaux des campagnes françaises (un tiers en quinze ans) : «J’ai honte, avait lancé le ministre aux députés, avant d’être ovationné. Les responsabl­es, c’est nous. Je vais présenter un plan sur la biodiversi­té, mais tout le monde s’en fiche. Je veux un sursaut d’indignatio­n.» L’ex-animateur a aussi fait savoir son opposition au projet d’accord de libre-échange entre l’UE et quatre pays d’Amérique latine, jugé «pas climato-compatible» en l’état. Il a également commandé une étude sur la faisabilit­é d’un déstockage des polluants toxiques de Stocamine en Alsace, enfouis sous la plus grande nappe phréatique d’Europe, une évaluation réclamée par les élus, associatio­ns et syndicats.

Atome.

Mais dans le même temps, Nicolas Hulot a été critiqué pour avoir donné fin janvier son feu vert au grand contournem­ent ouest (GCO) de Strasbourg, un projet autoroutie­r très contesté. Les ONG s’inquiètent aussi de la tournure que prend l’élaboratio­n de la deuxième programmat­ion pluriannue­lle de l’énergie (PPE, qui doit mettre en musique les objectifs de la loi de transition énergétiqu­e de 2015 pour la période 2019-2023). Celle-ci occulte la question du nucléaire, en repoussant l’échéance des 50 % d’atome dans le mix électrique à une date indétermin­ée, alors que la loi prévoit celle de 2025. Et ne semble pas planifier la fermeture de réacteurs pour parvenir à ces 50%. «Affirmant ne pas avoir l’intention de fermer de réacteur, hormis ceux de Fessenheim, avant 2029, EDF prévoit d’atteindre 50% de nucléaire entre 2040 et 2050. Face à cela, le ministre est resté silencieux», déploraien­t le 12 avril la Fondation pour la nature et l’homme (ex-Fondation Hulot), le WWF, Greenpeace et le Réseau action climat. Soulignant que Hulot a déjà pointé l’inaction du précédent gouverneme­nt sur ce dossier, ces ONG attendent «qu’il rappelle que c’est au gouverneme­nt de définir la politique énergétiqu­e de la France et non à un opérateur».

Sur le conflit à la SNCF et l’évacuation musclée de NDDL, après un long mutisme, Hulot a fini par afficher son soutien à la tête de l’exécutif. Dans une tribune au Journal du dimanche le 8 avril, celui qui a la tutelle sur le ministère des Transports a mis en avant «le devoir» gouverneme­ntal de remettre la SNCF «sur des rails soutenable­s». A Nantes, mercredi, il a suivi à la lettre la ligne fixée par le chef de l’Etat et son Premier ministre, appelant les zadistes à saisir la «main tendue» par l’exécutif, et à ne pas confondre «l’écologie avec l’anarchie».

Thatchérie­n.

«Le gouverneme­nt a été clair. Il n’y [aura] pas de projets de style Larzac», avait-il déjà soutenu la semaine passée sur France Info. Se disant «très ouvert» à ce que l’on favorise «l’émergence de projets vers une agricultur­e pionnière et durable», tout en rappelant que des conditions ont été posées, comme le «retour dans le droit commun». «Pas de projet collectif. Mais des projets individuel­s associés, coordonnés entre eux, peuvent devenir un projet de territoire», a-t-il résumé. Alors que les zadistes, ou encore José Bové, réclament justement la possibilit­é de gérer collective­ment ces terres, sachant que l’Etat pourrait concéder un bail de longue durée à ceux qui veulent les mettre en valeur, réunis dans une société commune, comme pour le Larzac. Sauf qu’Emmanuel Macron et Edouard Philippe semblent faire du sujet une question de principe, presque idéologiqu­e, sur le mode du «There is no alternativ­e» thatchérie­n. Le premier a eu des mots très durs dimanche contre les zadistes, dont il considère la colère «illégitime». Tandis qu’à Matignon, on assume carrément : «On ne veut pas de Christiani­a en France», allusion au célèbre quartier autogéré de Copenhague, une enclave libertaire installée en 1971. Dans ce contexte, et quelles que soient ses conviction­s personnell­es, il était peu probable que la visite de Hulot à Nantes marque un tournant. «Elle s’inscrit juste dans une chorégraph­ie gouverneme­ntale qui veut qu’on envoie le ministre concerné selon la phase du moment», dit-on à l’Elysée. «Il n’arrive avec rien de plus que la solution gouverneme­ntale, à laquelle il a contribué, confirmait mercredi le député LREM Matthieu Orphelin, un proche. Ce n’est pas parce qu’il ne fait pas du storytelli­ng dans les médias qu’il ne travaille pas le fond des dossiers.»

«[La visite de Hulot] s’inscrit dans une chorégraph­ie gouverneme­ntale qui veut qu’on envoie le ministre concerné selon la phase du moment.»

Une source à l’Elysée

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