Egalité femmes-hommes : et si on modernisait la Constitution ?
Ce serait un «symbole culturel, politique et sociétal fort» : et si on gravait dans la Constitution française des mesures concrètes garantissant l’égalité entre les femmes et les hommes ? C’est ce qu’appelle de ses voeux le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Dans un avis rendu public mercredi, l’instance consultative indépendante note que l’avant-projet de loi constitutionnelle, qui doit être présenté en Conseil des ministres le 9 mai, pourrait constituer une «opportunité de reconnaître encore davantage l’égalité entre les femmes et les hommes comme principe fondamental de l’organisation des pouvoirs publics et de notre société». Oui, l’égalité est déjà inscrite noir sur blanc dans la Constitution: «La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens», peut-on ainsi lire dans son article premier. Oui, la loi prévoit, elle aussi, des mesures en la matière. Mais est-ce suffisant ? Non, répond le HCE, qui note que non seulement «les inégalités persistent», mais pis encore, «force est de constater que les droits des femmes sont souvent bafoués». Concrètement, l’instance suggère, par exemple, d’inscrire dans la Constitution des «droits fondamentaux» tels que celui à l’interruption volontaire de grossesse, appuyant ainsi une proposition de loi de sénateurs communistes récemment étudiée au Sénat. Le texte actuel est «daté» en matière de santé sexuelle et reproductive, estime le HCE: les seules dispositions y ayant trait figurent dans le préambule de 1946. Il y a donc urgence, selon lui, à ce que l’avortement, l’accès à la contraception ainsi que le droit à une «vie sans violences sexuelles et sexistes» soient gravés dans le marbre. Le HCE propose, par ailleurs, de rendre visibles les femmes dans la rédaction même du texte, via l’usage d’un «langage égalitaire». Oui, il s’agit bien là d’écriture inclusive, celle-là même que l’Académie française qualifiait récemment de «péril mortel». Mais que ses membres se rassurent : le HCE n’entend pas réécrire des textes anciens pour «laisser visibles les traces de l’histoire», mais plutôt effectuer quelques corrections, à forte portée symbolique. Ainsi, dans le préambule, pourquoi ne pas remplacer l’expression «droits de l’homme», loin d’être neutre, par «droits humains», comme c’est l’usage dans plusieurs pays francophones comme la Suisse ou le Canada ?
«La portée performative du langage est importante, en ce qu’elle témoigne de notre vision du monde, et le choix de l’utilisation de la règle grammaticale, selon laquelle le masculin est neutre, exclut symboliquement les femmes des hautes fonctions de la République», explique le HCE, qui prône, selon ce qui serait le plus fluide, l’utilisation de la double flexion (les «électeurs» et les «électrices»), de mots épicènes («l’électorat»), ou encore du fameux «point médian» : «les citoyen·e·s». Pourquoi, par ailleurs, ne pas entamer une réflexion sur la devise de la République («liberté, égalité, fraternité»), qui «porte les traces de l’exclusion originelle des femmes du politique», interroge le HCE.
VIRGINIE BALLET