Libération

Des étudiants américains ont mis en place leur propre système de veille, listant les propos qu’ils jugent inappropri­és de la part de leurs enseignant­s. Lesquels ripostent.

Des profs sous surveillan­ce

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L’été dernier, Lisa Durden a défendu avec virulence à la télévision le choix de Black Lives Matter d’organiser des événements interdits aux Blancs. Cette professeur­e de communicat­ion vient de porter plainte, le 9 avril, contre l’université d’Essex (Massachuse­tts), pour «licencieme­nt abusif». L’université dit l’avoir congédiée en réponse à des plaintes d’étudiants et de professeur­s «inquiets», voire «effrayés» par la teneur discrimina­nte de ses propos.

Cet épisode rappelle une autre affaire : celle de Nancy Shurtz, professeur­e de droit dans l’Oregon, qui a reçu, en octobre 2016, une pétition de collègues et d’étudiants lui demandant de démissionn­er. Son idée de se grimer en noir lors d’une fête privée le soir de Halloween venait de déclencher un tollé. Une multitude de cas rappellent régulièrem­ent la tension entre le désir de faire du campus un safe space et le principe de liberté académique garanti par la loi américaine.

Cette dernière interdit de sanctionne­r un professeur pour l’expression de ses opinions personnell­es, tant qu’elles n’altèrent pas sa capacité à enseigner la matière dont il a la charge. Un départemen­t de biologie peut ainsi refuser un candidat s’il est créationni­ste. Un départemen­t d’histoire peut écarter un professeur parce qu’il nie l’Holocauste dans son cours, mais pas au simple motif que, de manière privée, il soutient le mouvement néonazi. Ce contexte pousse de plus en plus d’étudiants à mettre en place leur propre système de surveillan­ce, notamment à travers une veille accrue des déclaratio­ns de leurs professeur­s dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Un groupe d’étudiants conservate­urs a même mis en ligne une «liste de surveillan­ce» après l’élection présidenti­elle de 2016, pour recenser les professeur­s susceptibl­es de promouvoir en classe des «valeurs anti-américaine­s» ou de défendre une «propagande de gauche». En réponse, des professeur­s de tous bords se sont organisés autour d’un hashtag, #Addmyname, pour défendre la liberté académique et «rendre cette liste nulle et non avenue»: certains ont commencé par inscrire Jésus, Socrate ou encore Indiana Jones. D’autres sont allés jusqu’à se signaler eux-mêmes. L.An.

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