Humilier
«Pour l’instant, ça passe.» Le diagnostic d’un sondeur semble bien se confirmer sur le terrain. Pour l’instant, les syndicats protestent mais la caravane des réformes macroniennes passe. Comme si l’opinion gagnée par l’espoir d’une reprise de l’activité, d’une baisse du chômage et d’une modernisation de l’économie préférait laisser faire le gouvernement plutôt que se lancer dans un blocage général des réformes, même si ces réformes souvent sont, en fait, des sacrifices. Ce scénario, qui demande à être confirmé, présente un grand avantage : Emmanuel Macron, s’il l’emporte, pourra se targuer d’avoir réussi là où tant de ses prédécesseurs ont reculé. Et si le redressement de l’emploi se confirme – c’est possible au vu des chiffres de la croissance – sa méthode sera légitimée par les résultats obtenus dans deux ou trois ans. Mais cette hypothèse présente aussi un grave inconvénient : humilier purement et simplement les syndicats et plus largement les corps intermédiaires qui irriguent la société française. A commencer par les organisations réformistes, les plus conciliantes, qui en tiennent pour la négociation et le compromis. Le bonapartisme souriant du président de la République peut-il se changer en méthode pérenne de gouvernement ? A trop atomiser le dialogue social, bientôt réduit à un face-à-face entre l’Etat et l’opinion, courtcircuitant toutes les instances de représentativité partielle, on finit par concasser l’édifice social qui perd ses relais et ses systèmes d’alerte, qui se dessaisit de son rôle d’amendement ou même d’élaboration des réformes au profit des seules instances politiques. Dans cette procédure nouvelle, les structures habituelles se dissolvent dans un vaste ensemble fait de grains isolés autour d’un pilier central. Il arrive, dans ce désert de la concertation et du dialogue, que se lèvent des tempêtes de sable. •