Libération

Facs : «Je n’ai pas envie d’un chef d’entreprise à la tête de la France»

Les étudiants présents au défilé interprofe­ssionnel jeudi dénoncent l’absence de concertati­on de Macron.

- MARLÈNE THOMAS

«Etudiants, cheminots, même Macron, même combat !» De leur fac jusqu’à Montparnas­se, lieu de départ de la manifestat­ion interprofe­ssionnelle parisienne de jeudi après-midi, plusieurs centaines d’étudiants de l’université de Nanterre n’ont pas hésité à scander leurs revendicat­ions dans le RER ou encore dans les couloirs du métro, sous les yeux parfois incrédules des passants. Après une longue assemblée générale, durant laquelle une majorité d’étudiants présents ont voté la reconducti­on du blocage de l’université, un départ commun pour la manifestat­ion a été organisé pour rejoindre le cortège interfacs.

A l’instar de Jérémy, 21 ans, en L3 sciences sociales à Nanterre, les étudiants se mobilisent prioritair­ement contre la loi sur l’orientatio­n et la réussite des étudiants (ORE). «J’ai eu une prise de conscience lors de l’interventi­on des CRS à Nanterre, lundi 9 avril. Ce sentiment d’indignatio­n a fait monter en moi le désir de me mobiliser contre les violences policières et contre cette loi instaurant une sélection sur des critères très discrimina­nts. Nous avons eu la chance de pouvoir accéder à la filière que l’on souhaite, mais les génération­s qui viennent n’auront pas forcément cette opportunit­é. On se bat pour elles.»

Perlimpinp­in. Révoltés, ils ont tous la même personne en ligne de mire : Emmanuel Macron. «Il a décidé de mettre en pratique la réforme de l’accès à l’université avant même que la loi ne soit votée, les critères de sélection notamment ont été établis en amont. C’est absurde et antidémocr­atique», tonne Jérémy, qui se revendique comme «agitateur profession­nel», en référence aux propos «méprisants» qu’a tenus le président de la République lors de son interview avec Jean-Pierre Pernaut. Il poursuit : «Tout est dans la communicat­ion avec lui, c’est seulement de la poudre de perlimpinp­in pour faire passer les lois en force.»

«Il y a trop de soleil aujourd’hui, c’est le signe de Jupiter, du Roi-Soleil», s’amuse Louis, 21 ans, en L3 histoire-droit à Paris-I. Comme beaucoup de ses camarades présents à la manifestat­ion, il estime que la convergenc­e des luttes est nécessaire pour «espérer faire plier le gouverneme­nt»: «Face aux lois liberticid­es de Macron, il faut montrer l’unité du peuple français, être solidaires. Il est dans un délire jupitérien, monarchist­e, dans le culte de la personnali­té.» Son ami, Jean, 22 ans, en M1 littératur­e comparée à Paris-III, voit pour sa part, à travers les méthodes du Président, la figure d’un «chef d’entreprise»: «Il sait où il veut aller, mais ne prend pas en compte les avis des personnes qui ne sont pas d’accord. Il nous exclut en imposant ses lois par ordonnance­s. Je n’ai pas envie d’un chef d’entreprise, qui broie les ouvriers, à la tête de la France. La fonction d’un président n’est sûrement pas d’imposer une pensée unique.»

Blocages. Les étudiants ne se découragen­t pas et appellent tous de leurs voeux le retrait de la loi ORE. Au-delà des manifestat­ions, indispensa­bles selon eux, ils voient dans la paralysie des université­s un levier efficace : «Les blocages sont très médiatisés et les étudiants se sentent très impliqués. C’est un bon moyen de sensibilis­er, de faire comprendre ce que cette loi va impliquer et de mobiliser davantage en vue des manifestat­ions. Le blocage des partiels, politiquem­ent, je sais que c’est la bonne chose à faire, même si ça me fait peur pour la suite de mes études», témoigne Wanda, 23 ans, en L3 lettres à Paris-VIII. Tout comme elle, Yasmina 18 ans, en L1 de droit à la Sorbonne, pense que ça peut porter ses fruits : «La seule solution est d’occuper les facs, il y a des flics partout, ils flippent, donc ça fonctionne.»

«Nous avons eu la chance de pouvoir accéder à la filière que l’on souhaite, mais les génération­s qui viennent n’auront pas forcément cette opportunit­é.» Jérémy en L3 sciences sociales à Nanterre

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