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Le dernier des corgis

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Elle est là, dans son tailleur vert printemps et son brushing impeccable, son sac à main noir bien calé au creux du coude gauche. La reine Elizabeth II s’apprête à prononcer le discours d’ouverture du XXVe sommet du Commonweal­th. Dès que sa Première ministre, Theresa May, en a terminé avec les banalités d’usage, elle s’adresse aux 53 chefs d’Etat et de gouverneme­nt réunis à Londres. Elle leur enjoint de désigner chef du Commonweal­th son fils, le prince Charles, une fois confirmées certaines inévitabil­ités de la vie, comme sa disparitio­n ultime.

Samedi, elle fêtera pourtant ses 92 ans dans une santé resplendis­sante. D’un jour à l’autre, un bébé royal devrait pointer son nez, le troisième de son petit-fils William. Dans un mois, Harry épousera Meghan Markle, une Américaine divorcée et métisse. Après tout, pourquoi pas ? En plus, c’est l’unique semaine de l’été britanniqu­e, la températur­e dépasse largement les 20 °C. Tout va en principe très bien. Mais son regard vacille un peu. Peut-être songe-t-elle à Willow, tout juste décédé, au grand âge de 14 ans (72 en années d’humain). Willow avait de grandes oreilles et de toutes petites pattes. Ce corgi gallois était l’un des plus fidèles compagnons de la souveraine. Il était le dernier descendant de Susan, son premier corgi bien à elle, reçu en cadeau pour ses 18 ans et qui a engendré un nombre incalculab­le de chiots, Sugar, Honey, Bee, ou Whisky pour n’en citer que quelques-uns. Quatorze génération­s de corgis royaux ont suivi. Depuis trois ans pourtant, la reine a arrêté l’élevage. Elle ne veut pas laisser de chiens orphelins. Aucun de ses enfants, Charles, Anne, Andrew ou Edward, n’est versé dans le corgi.«Mes corgis sont ma famille», a dit un jour la reine. Peut-être étaient-ils les seuls à ne pas la traiter en souveraine, à ne pas lui faire la révérence (exercice compliqué avec des pattes aussi courtes). Pour eux, elle n’était qu’une machine à caresses et à gamelles. Ce qui, dans sa vie si codée, valait sans doute toutes les couronnes du monde. A lire en intégralit­é sur SONIA DELESALLES­TOLPER (à Londres)

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