Affaire Ramadan : l’onde de choc dans les milieux musulmans
A Lyon, des anti-IVG noyautent un débat sur la PMA
«Les nouveaux outils génétiques de la PMA : vers une nouvelle conception de l’humanité ?» indique l’affiche qui annonce un «débat citoyen», ce vendredi à Lyon. Du très classique pour signaler un événement organisé par l’espace de réflexion éthique Auvergne-RhôneAlpes (Ererra), chargé par les états généraux de la bioéthique d’animer des réunions publiques dans la région ? Sauf que parmi les orateurs, entre la philosophe Catherine Dekeuwer-Carrier, spécialiste d’histoire de la médecine, et le Pr Jean-François Guérin, éminence de l’embryologie et de la biologie de la reproduction, figure Blanche Streb, directrice de la formation et de la recherche chez Alliance Vita. Soit un lobby anti-avortement fondé en 1993 par Christine Boutin, dont le site internet ainsi que la ligne d’écoute «SOS bébé» font partie des plateformes visées par l’extension du délit d’entrave pénalisant la «désinformation» sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Le 1er mars, le premier débat organisé à Lyon par l’Ererra sur la PMA a duré près de trois heures et demie. Sur l’insistance de Blanche Streb, venue en force avec ses soutiens, une nouvelle date a été fixée pour prolonger l’échange. Entre-temps, cette dernière est parvenue à se faire inscrire au programme. A peine les inscriptions ouvertes, les traditionalistes s’inscrivent en masse pour bloquer les places. Cet entrisme est une stratégie rodée des mouvements anti-IVG pour noyauter la consultation populaire souhaitée par les états généraux.
«La force d’Alliance Vita, c’est d’avoir su lisser son discours, de s’être professionnalisé, dénonce Lorraine Wiss, du Planning familial du Rhône. A affirme Blanche Streb C’est une petite bombe qui vient d’exploser dans les milieux musulmans français et un vrai tournant dans l’affaire Ramadan. «L’onde de choc dépasse largement les milieux proches de lui», explique à Libération Saïd Branine, le responsable du site communautaire Oumma. Sous le coup de plusieurs accusations de viols, le théologien musulman se trouve désormais contraint de changer de ligne de défense et de reconnaître au moins avoir eu une relation avec «Marie», l’une des trois femmes à avoir déposé plainte contre lui. Saïd Branine : «Pour les musulmans croyants, que Tariq Ramadan ait eu des relations extraconjugales est une chose considérée comme très grave, inacceptable.»
Le résultat des analyses ADN effectuées sur une robe remise par Marie aux enquêteurs et présentant une tache de sperme qui serait, selon elle, celui de Tariq Ramadan, est imminent. Il pourrait corroborer l’existence d’une relation déjà attestée par de très nombreux échanges, remis à la police. Par ailleurs, la justice a demandé jeudi réelle expertise sur le thème [de la PMA], ainsi que des compétences techniques et scientifiques». La quadragénaire a bien soutenu une thèse à l’université de Lorraine en 2007, mais sur «les cosmétiques écologiques et biologiques»… Un peu mince pour partager une tribune avec des experts de la bioéthique. Pour le professeur François Chapuis, directeur de l’Ererra et animateur du débat, «la parole circule de manière efficace». Une femme qui a initié seule une PMA témoignera face aux tradis, défend-il, avant de suggérer au Planning familial et aux associations LGBT de s’inviter aussi sur l’estrade. l’expertise de téléphones, ordinateurs, iPad, disques durs, etc., appartenant à Tariq Ramadan. Ce qu’ils pourraient contenir inquiète grandement les cercles proches du prédicateur. De fait, la panique règne désormais dans le camp des (ex ?) supporteurs de Tariq Ramadan. Ils prennent nettement (et très vite) leurs distances avec leur ancien mentor. «Des révélations terribles ont été publiées aujourd’hui», a-t-on lu dans un communiqué brièvement mis en ligne (avant d’être précipitamment retiré) par Résistance et alternative, une association créée en janvier pour diffuser la pensée du prédicateur, faisant allusion aux articles mentionnant le revirement de situation. Après son retrait, ce communiqué a continué d’être envoyé, plus confidentiellement. «Pour l’instant, nous ne prendrons aucune position […] tant que nous n’aurons pas consulté les référents religieux français et étrangers qui ont toujours eu notre confiance depuis vingt ans», poursuit l’association. Sur sa page Facebook, elle a aussi fait disparaître la photo de la bannière où l’on voyait Tariq Ramadan.
C’est l’heure de solder les comptes. Avant que le revirement de défense du théologien ne soit rendu public, son comité de soutien a préventivement stoppé, dans la nuit de mardi à mercredi, la campagne de financement participatif qui avait lieu sur la plateforme américaine LaunchGood. Destinée à financer l’équipe d’avocats et à soutenir des opérations de communication en faveur de Ramadan, elle avait déjà permis de récolter 85 053 euros grâce à 1 358 donateurs. Une première opération de crownfunding avait eu lieu en février après la mise en détention provisoire de Ramadan, avec beaucoup de succès. Elle avait permis, très vite, de rassembler 100 000 euros. Selon le responsable de la plateforme CotizUp, Billal Righi, cette somme avait été remise à la famille, à l’initiative, selon lui, de la campagne. Ces dernières heures, des internautes sur les réseaux sociaux font de l’ironie à ce sujet. «Pour le remboursement des 100 000 euros, ça se passe comment?» écrit par exemple sur Facebook l’un d’entre eux, réputé proche des salafistes. BERNADETTE
SAUVAGET