Europe 1 a les têtes qui tournent
Face à l’audience en berne et à la situation financière de la radio, Arnaud Lagardère aurait décidé de se séparer du vice-PDG et de ses deux adjoints. Patrick Cohen, recruté pour redresser la station, serait sur la sellette.
«L’instabilité chez Lagardère Active, c’est congénital. Une nouvelle équipe vient à peine d’arriver qu’elle est déjà remerciée par celui qui l’avait recrutée. Les gens en ont rasle-bol de ce changement permanent.» Ce cri du coeur d’un cadre d’Europe 1 illustre le désarroi de la station de la rue François-Ier, qui, selon des informations concordantes, s’apprête à vivre un grand chambardement. Face à une audience toujours en berne et à une situation financière aggravée, son président Arnaud Lagardère, qui en avait personnellement repris les rênes en 2017, aurait décidé de faire le grand ménage. Exit le vicePDG d’Europe 1, Frédéric Schlesinger, dont le départ est donné pour imminent – «je ne sais rien», a-t-il répondu aux équipes en démentant jeudi sa démission– en compagnie de ses deux adjoints, Emmanuel Perreau aux programmes et Jean Beghin, directeur adjoint du pôle radio. Le présentateur de la matinale, Patrick Cohen, sans nouvelles de son actionnaire depuis plusieurs mois, devrait lui aussi quitter l’antenne à la fin de la saison. Du quatuor arrivé l’été dernier de Radio France pour relancer une radio qui a perdu 900 000 auditeurs sur les deux dernières saisons écoulées, il ne resterait plus personne.
Le plus cocasse: c’est Laurent Guimier, un ancien d’Europe 1, aujourd’hui directeur délégué aux antennes et aux contenus de Radio France, qui devrait remplacer son expatron, Frédéric Schlesinger. Ce journaliste féru de stratégie, qui compte à son actif le redressement de France Info, était jusqu’à récemment pressenti pour devenir le numéro 2 de Sybile Veil, la nouvelle présidente de Radio France, après avoir été dissuadé de se présenter seul à la tête de la radio publique.
«Hémorragie».
Il n’y a guère de surprise dans la dernière vague de Médiametrie. RTL est confortée dans sa place de leader et bat un nouveau record d’audience à 13,2 %, suivie de France Inter qui stagne à 11,3 % mais conserve le titre envié de première matinale de France. Pour Europe 1 en revanche, le marasme continue. Après 7,2 % et 6,6 %, lors des deux dernières vagues trimestrielles d’audience, elle a enregistré 6,8 % d’audience cumulée pour la période janvier-mars, contre 7,7% sur la même période il y a un an. «L’hémorragie est stoppée mais on ne va pas se mentir, ces résultats ne sont pas bons, reconnaît un collaborateur de la station, la relance espérée n’a pas eu lieu.»
En interne, beaucoup conviennent que la greffe Patrick Cohen n’a pas pris. «C’est un grand pro de la radio, mais il lui manque cette chaleur qui a toujours fait le ton d’Europe 1, juge un salarié. C’était manifestement une erreur de casting, d’autant plus que l’étiquette de gauche qui lui colle depuis France Inter n’était pas idéale pour reconquérir un auditoire classé à droite. Mais n’oubliez pas que c’est Arnaud Lagardère lui-même qui était allé le chercher en espérant nous positionner sur une signature de l’info plus haut de gamme.» Alors que le sort de l’équipe aux commandes semble avoir été scellé il y a quelques jours – «nous ne pouvons pas nous permettre de rater la rentrée 2018-2019», avait prévenu Arnaud Lagardère début avril–, ils sont nombreux à critiquer ses changements de cap incessants.
Lors de son arrivée, Frédéric Schlesinger et lui s’étaient entendus sur un plan à trois ans, le délai miminum selon le vice-PDG pour relancer durablement l’audience.
«Persévérant».
Il l’a répété jeudi, qualifiant la stabilisation de l’audience de «première phase indispensable au renouveau de la station», préalable à la «reconquête» qu’il comptait maintenant ouvrir. «A l’origine de tous les succès de radio, il y a une promesse de grille qui demande du temps pour s’installer, déplore-t-on dans l’entourage de la direction d’Europe 1. Regardez le succès de RMC que l’on a dit morte pendant des années. Ils sont partis à 2 %, ils sont aujourd’hui à plus de 7 %. Rien n’est impossible, à condition d’être patient et persévérant.»
«Patrick Cohen, c’était une erreur de casting. L’étiquette de gauche qui lui colle depuis France Inter n’était pas idéale pour reconquérir un auditoire classé à droite.»
Un salarié d’Europe 1
Deux qualités qui ne semblent pas être le fort de l’héritier du groupe, dont le père, Jean-Luc Lagardère était très attaché à Europe 1. Dans le rouge depuis plusieurs années, l’ex-fleuron généraliste du groupe a creusé ses pertes à 19 millions d’euros en 2017. En 2016, le pôle radio du groupe était encore rentable, grâce à l’apport de RFM et Virgin Radio, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. A ce stade, le scénario d’une vente ne semble pas à l’ordre du jour. Alors qu’il s’est délesté de la quasi-totalité ses magazines – il vient d’annoncer la vente de Elle et Télé 7 Jours à un groupe tchèque, mais en conservant la licence du magazine féminin – Arnaud Lagardère a toujours dit qu’il garderait le trio le Journal du dimanche, Paris Match et Europe 1. Le véritable pôle d’influence de son groupe. •