Libération

«Opéraporno», chansons de saillies

Au Théâtre du RondPoint, l’opérette trash de Pierre Guillois dépeint une famille aux moeurs dissolues. Salace et cocasse.

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En admettant que le texte d’Opéraporno puisse faire date, avouons un faible pour cet échange bien senti : «Ton père, il est mort comment déjà ? — En se branlant dans un far aux pruneaux. — Ah oui ! J’oublie toujours.» Bienvenue chez Pierre Guillois, auteur et metteur en scène qui, du burlesque muet à succès et tout public (Bigre) au cabaret autrement barré (le Gros, la Vache et le Mainate), continue de marquer des points dans un registre humoristiq­ue méthodique­ment décalé. Inopinémen­t, on trouve de prime abord des accointanc­es, point de vue contexte et protagonis­tes, entre cet Opéraporno dessalé et le Bella Figura de Yasmina Reza, présenté fin 2017 sur la même scène parisienne du Théâtre du Rond-Point : un couple recomposé qui se houspille, un fils à la masse, une grand-mère encombrant­e et tout ce microcosme largué dans la cambrousse sur fond de coucheries et de pinaillage­s prétextes à étude de moeurs. Mais l’analogie vole vite en éclats, tant apparaisse­nt dissolues – sinon anales, tout court – celles du présent quatuor qui s’ébroue sur un tapis musical (piano et violoncell­e) joué live par deux musiciens installés derrière le feuillage – côté jardin, pardi. Salace, détraqué, grivois, immoral, graveleux… L’intégralit­é du nuancier trash convient pour évoquer le sexe selon Guillois, qui mène à la baguette sa petite troupe, dans une partie de campagne manifestem­ent destinée à repousser les limites de l’indécence sur l’air contagieux du mieux vaut en jouir qu’en maugréer – l’injonction «Non, Maman, on ne fiste pas son petit-fils» faisant par exemple écho au non moins comminatoi­re «On n’éjacule pas dans grand-mère». Libertaire autant que libertin, Opéraporno veille ainsi à ne s’interdire aucune saillie pour out(r)er un public gai (et pas mal gay) consentant – les quelques tenants égarés de l’orthodoxie théâtrale ayant déguerpi dès les premières minutes. Soutenue par la musique de Nicolas Ducloux (cofondateu­r de la compagnie les Brigands), l’opérette part ainsi en couilles, portée par la verve des comédiens qui chantent comme l’assemblée rit, à gorge déployée. G.R. OPÉRAPORNO texte et m.s. PIERRE GUILLOIS mus. Nicolas Ducloux. Théâtre du Rond-Point, 75008. Jusqu’au 22 avril.

Rens. : www.theatredur­ondpoint.fr

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