Libération

Davis Foenkinos panse les bobos par le beau La palette de «Vers la beauté»

- EMMANUÈLE PEYRET

Il vend à tour de bras depuis 2009, ses livres sont adaptés au cinéma (bon, pas tous) et il accumule les prix? Non, pas Marc Levy, arrête un peu, mais David Foenkinos, frère de Stéphane avec qui il a réalisé en 2011 l’adaptation de son best-seller, la Délicatess­e ou la reconstruc­tion d’une jeune veuve, pour te la faire courte. Ensuite en 2014, on a eu Charlotte, 450 000 exemplaire­s vendus, qui narrait l’histoire de la peintre Charlotte Salomon, morte à Auschwitz en 1943 et ce faisant donnait pour une fois une fin pas heureuse du tout à un roman de Foenkinos. Le dernier opus, Vers la beauté, tient un peu des deux, de la reconstruc­tion, et de l’artiste qui finit mal, de son fait, ou dans le cas de Charlotte pas de son fait, avec des musées, des peintures fascinante­s, du drame dans la vie de chacun, surtout du héros et de la jeune fille que je vais te spoiler le destin à la fin de l’article, de la beauuuuuuu­uuuté avec des phrases définitive­s et des astuces d’écrivain que ça alors on n’y aurait pas pensé.

En route vers la beauté ?

Bin oui, c’est l’idée, la reconstruc­tion par la beauté, on te dit : Modigliani et sa Jeanne dans son cadre à Orsay (sa compagne qui s’est jetée par la fenêtre à sa mort, enceinte de leur deuxième enfant) regardant le héros qui a tout quitté de son ancienne vie de prof d’histoire de l’art (l’art dans l’art, ici, mise en abyme) se tordre de douleur. Il s’appelle Duris, comme l’acteur, c’est fait exprès et ça permet des dialogues désopilant­s. «La beauté peut cicatriser une douleur», explique l’auteur dans la Voix du Nord, et alors on a de belles expression­s, comme des «voleurs de beauté», mais aussi d’autres qui ne parlent pas de beauté, et c’est reposant, comme «des morceaux de phrase volés au balbutieme­nt». Olé.

Et on a le «moment présent qui prend la posture du toujours» ?

Oui oui, on l’a, bien sûr, comme «on aime ce qui est aimé par ceux qu’on aime» (vous avez trois heures) ou «les gestes voulaient prendre la place des mots». Bon. Attention, on ne parle pas seulement des belles peintures de Modi, on a aussi des trucs sur la photo (une photo de femme, Maud, prise par Julia Margaret Cameron, parce qu’on aime bien les modèles femmes), sans compter que l’autre héroïne du livre, c’est la petite Camille (comme Claudel, si ça se trouve), une jeune artiste bien douée qui va tomber sur un vilain et finir par se foutre par la fenêtre comme Jeanne (tu vois l’idée du double si tu es pas le front sur le journal), la photo, donc, que «c’est du réel mais on peut tout inventer». Le double, le reflet, l’image, tout ça.

Et la petite astuce alors ?

Une espèce de voix off qui commentera­it, parfois avec une délicate touche d’humour. Phrase : «cela se voyait avec ses cheveux», note (1), et à la note (1) en bas de page, on lit: «de manière générale il semble tout à fait possible d’interpréte­r la personnali­té de quelqu’un en observant simplement la relation qu’entretient cette personne avec ses cheveux». Ou alors la note (1) apporte une touche de digression en faisant référence à l’histoire d’un personnage tout à fait annexe, la copine de Camille la peintre qui la sermonne sur le prince charmant (1), et le (1) «elle mettrait d’ailleurs bientôt en pratique son point de vue avec le premier venu» et ça se passe mal, mais on s’en fout. Il y en a partout, des (1), et on se prend à les guetter. C’est distrayant (1). • (1) Non mais c’est une blague, hein. DAVID FOENKINOS VERS LA BEAUTÉ Gallimard, 222 pp., 19 €.

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