Libération

Les pauvres mis au ban

Système scolaire inégalitai­re, discrimina­tion géographiq­ue, financemen­ts insuffisan­ts… L’école publique, qui a participé à la prospérité des Etats-Unis du XXe siècle, n’arrive plus à remplir sa mission de mobilité sociale, surtout envers les minorités.

- Par ISABELLE HANNE Correspond­ante à New York

Des enseignant­s obligés, pour boucler leurs fins de mois, de devenir chauffeurs Uber ou caissiers à Walmart après les cours. Des élèves au destin déterminé par leur code postal et non par leurs résultats scolaires. Des salles de classe au mobilier délabré et aux manuels scolaires hors d’âge, quand d’autres mettent à dispositio­n un ordinateur portable par élève. La grève historique et massive menée début avril par des dizaines de milliers d’enseignant­s en Oklahoma, en Arizona, en VirginieOc­cidentale et dans le Kentucky, est venue rappeler à l’Amérique la crise de son école, ses financemen­ts insuffisan­ts et son système intrinsèqu­ement inégalitai­re.

Une décentrali­sation totale

Les écoles publiques, où sont scolarisés 90 % des élèves américains, sont financées par les Etats, salaires des profs compris. Le gouverneme­nt fédéral n’intervient que de façon très marginale (subvention­s des repas à la cantine pour les plus démunis, aides aux enfants handicapés…). Ce système totalement décentrali­sé a pour conséquenc­es de fortes disparités, notamment dans certains Etats républicai­ns où, pour répondre aux promesses électorale­s de baisses d’impôts, l’éducation a subi des coupes claires. La rémunérati­on des enseignant­s, par exemple, diffère beaucoup d’un Etat à l’autre. En Oklahoma, le salaire moyen annuel d’un enseignant du secondaire est de 42 460 dollars (34 563 euros). Dans l’Etat de New York, il double presque ( 81 410 dollars), selon le Bureau of labor statistics. Cette inégalité de traitement n’est pas sans conséquenc­e sur la scolarité des élèves. «Plus [le budget d’une école américaine] est restreint, moins l’école peut recruter des enseignant­s qualifiés. En d’autres termes, la qualité même de l’enseigneme­nt d’une école dépend de ses moyens», écrit Sylvia Ullmo, professeur­e de civilisati­on américaine à l’université de Tours, dans «L’école et l’(in)égalité des chances aux EtatsUnis» publié dans la Revue française d’études américaine­s.

Les écoles publiques américaine­s sont financées par les impôts locaux, notamment avec la taxe foncière. L’éducation est donc alimentée par l’argent disponible dans la collectivi­té et non par l’argent nécessaire. «Les districts déshérités ne sont pas en mesure de financer leurs écoles correcteme­nt», insiste Sylvia Ullmo. Au niveau national, les districts les plus pauvres dépen-

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PHOTO CHARLES DHARAPAK. AP. Miprecious Angel Coley, 9 ans, fait ses devoirs dans un centre social, à Washington, en février 2014.

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