THC : la France légalise par erreur la molécule qui rend «stone»
Jolie boulette dans la réglementation sur le cannabis. Alors que le gouvernement français maintient la prohibition de cette plante, l’emploi de sa principale molécule psychoactive, le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), «a été en partie légalisé, il y a plusieurs années, dans le plus grand secret». C’est un juriste, Renaud Colson, maître de conférences à l’université de Nantes, qui a découvert la faille dans le code de la santé publique. Il a exposé «ce surprenant constat» vendredi, dans un article du recueil Dalloz, la publication juridique française la plus connue, auquel Libération a eu accès. Si le cannabis (graines, tiges, fleurs et feuilles) et sa résine (haschisch) restent interdits, certains principes actifs de la plante sont autorisés. C’est notamment le cas du cannabidiol (CBD), à condition que celui-ci soit extrait de plants de chanvre dont la teneur en THC est inférieure à 0,2 %. Voilà pourquoi les produits à base de CBD prolifèrent sur le marché français depuis plusieurs mois: gélules, tisanes, liquide pour cigarette électronique, baumes…
La nouveauté, c’est que le THC semble bien lui aussi autorisé par le droit. A condition de se présenter sous une forme chimiquement pure, c’est-à-dire non associée à d’autres molécules normalement contenues dans le cannabis. Bientôt du e-liquide ou des pilules au THC naturel qui rendent stone ? En théorie, c’est possible, explique Renaud Colson. Le chercheur pointe que l’article R.5132-86 du code de santé publique a d’abord autorisé le «delta-9tétrahydrocannabinol de synthèse», en 2004, vraisemblablement pour permettre l’importation de médicaments. Notamment le Marinol, légal aux Etats-Unis depuis 1986, qui aide les malades du sida ou du cancer à mieux supporter leur traitement. Or une mise à jour du texte en 2007 supprime la mention «de synthèse», ouvrant la voie à une autorisation du THC sous sa forme naturelle. Qu’il corresponde à un «souci d’économie linguistique» ou à la «perspective de l’introduction de médicaments contenant du delta-9-THC», le chercheur interroge ce toilettage qui devrait, selon lui, faire l’objet d’«un règlement rectificatif» par l’administration.
PIERRE CARREY