Libération

Dominants

- Par ALEXANDRA SCHWARTZBR­OD

L’actualité nous le montre chaque jour, aucune profession, aucun secteur de la société n’est exempt de scandales d’abus ou de harcèlemen­t sexuel, voire de viols. Ce n’est malheureus­ement guère surprenant : à partir du moment où les relations entre individus sont régies par les lois du pouvoir, divisant un groupe entre dominants et dominés, il y a risque d’abus. Et le sexe est bien «une des formes primaires du pouvoir», comme le disait l’écrivain argentin Ernesto Sábato. S’il y a un milieu dont on pourrait attendre une certaine forme d’exemplarit­é, c’est bien l’humanitair­e, qui a vocation à apporter de l’aide à une population en souffrance. Eh bien non, comme le montre notre enquête, lancée après les premières révélation­s sur les turpitudes de l’ex-directeur de l’ONG britanniqu­e Oxfam en Haïti, pays ô combien démuni, l’humanitair­e peut aussi devenir un terrain de chasse pour les prédateurs sexuels. Justement parce que les population­s sont démunies et n’ont aucun moyen de résister à un abus, encore moins de porter plainte, a fortiori dans des pays où l’Etat de droit n’est plus qu’un lointain souvenir. Que faire ? Le fatalisme n’est pas une option. Dans ce secteur, plus encore qu’ailleurs, doit régner une tolérance zéro, une impunité zéro. Car l’abus nourrit le ressentime­nt, voire la haine de l’autre, et le monde actuel n’en a vraiment pas besoin. Le point positif, c’est que la parole semble libérée. On ne ferme plus les yeux sur des conduites que l’on a trop longtemps tolérées par lâcheté, bêtise ou indifféren­ce, voire un peu des trois. A tous ceux qu’effleure parfois ces temps-ci l’idée que les femmes en font trop, qu’elles risquent de passer du statut de victimes à celui de bourreaux, nous conseillon­s de lire ces témoignage­s. Il y a encore de la marge. Beaucoup de marge. Le sexisme est une plaie et tout reste à faire pour le combattre. •

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