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Olivier Dussopt «Nous ne toucherons pas au statut des fonctionna­ires»

Alors que les organisati­ons représenta­tives de la fonction publique appellent à une grève mardi, le secrétaire d’Etat revient sur les négociatio­ns entre le gouverneme­nt et les syndicats ainsi que sa place dans l’exécutif. Il confirme la suppressio­n de 120

- Recueilli par DOMINIQUE ALBERTINI et LILIAN ALEMAGNA Lesquels ?

Olivier Dussopt se dit toujours «à l’aise» dans ce gouverneme­nt. Six mois après sa prise de fonction pour s’occuper notamment du dossier miné des fonctionna­ires, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics défend la future réforme de l’Etat encore en gestation. A la veille d’une grève dans la fonction publique initiée par les neufs syndicats représenta­tifs, la troisième depuis octobre, l’ancien député socialiste de l’Ardèche assure que l’exécutif ne remettra pas en cause le statut des fonctionna­ires mais les appelle à des «ajustement­s» et à une «modernisat­ion».

Quand ce gouverneme­nt va-t-il faire des gestes en faveur des fonctionna­ires ?

Manifester et exprimer des revendicat­ions est un droit que personne ne remet en cause. Mais je n’ai pas besoin de manifestat­ions pour entendre les messages. Je reçois les syndicats très régulièrem­ent, que ce soit dans le cadre des concertati­ons ou dans des bilatérale­s.

Vous «entendez», ils vous demandent de «faire»…

Nous avons ouvert une discussion d’un an sur plusieurs chantiers [rémunérati­on au mérite, extension du domaine des contrats, formation et plans de départs volontaire­s, réforme des instances de représenta­tion, ndlr] et un agenda social précis. N’anticipons pas les conclusion­s. Cela dit, nous avons déjà pris en compte plusieurs de leurs propositio­ns.

Lesquelles ?

Trois exemples. Avec [le ministre de l’Action et des Comptes publics] Gérald Darmanin, nous avons tout d’abord accepté d’avancer à la mijuin le rendez-vous salarial prévu en octobre pour intégrer les décisions prises au budget 2019. C’était une demande portée par huit des neuf organisati­ons syndicales représenta­tives de la fonction publique. Nous y répondons. La CFDT nous a également demandé d’ouvrir une réflexion sur la question de l’attractivi­té des concours et du recrutemen­t des titulaires. Nous avons dit oui : cela prouve qu’il n’y a aucune volonté de notre part de substituer un mode de recrutemen­t [le contrat, ndlr] àun autre [celui sous statut, ndlr] pour l’ensemble de la fonction publique. Enfin, une femme qui choisit un congé parental ne doit pas être victime d’un premier décrochage dans sa carrière. Cette question portée par l’Unsa sera bien inscrite à l’ordre du jour de la concertati­on ouverte sur l’égalité femmes-hommes.

Ce gouverneme­nt a gelé le point d’indice, à peine compensé la hausse de CSG, rétabli le jour de carence… Les fonctionna­ires ont-ils tort de considérer qu’on leur en demande plus ?

Le gel du point d’indice ne date pas de ce quinquenna­t. Une augmentati­on du point n’est pas notre choix pour traiter des questions salariales. Lorsqu’on l’augmente de 1 %, cela coûte 2 milliards d’euros et représente à peine 15 euros par mois pour un agent à 2 000 euros net. Certaines organisati­ons syndicales me demandent d’augmenter le point d’indice de 16 %. Soit 32 milliards d’euros. C’est complèteme­nt infaisable, plus encore compte tenu de la situation de nos finances publiques. Par ailleurs, je rappelle que le protocole PPCR [accord signé par les syndicats avec le précédent gouverneme­nt et reporté par celui-ci, ndlr] recommence­ra à s’appliquer à partir du 1er janvier et se traduira par des hausses salariales. Quant à l’augmentati­on de la CSG, la compensati­on est intégrale.

Sauf que la promesse du candidat Macron était un «gain de pouvoir d’achat»… Aujourd’hui, la compensati­on est intégrale. Après, il y a certaineme­nt des choses à regarder pour certains agents. Et pour ce qui est de la question du pouvoir d’achat, nous sommes prêts à travailler à des hausses catégoriel­les ciblées avec un vrai impact pour mieux accompagne­r, valoriser un certain nombre de métiers. Nous allons en débattre avec les organisati­ons syndicales. Nous attendons leurs propositio­ns.

Gérald Darmanin a notamment parlé des infirmière­s…

La situation dans la fonction publique hospitaliè­re est particuliè­re. Ma collègue de la Santé, Agnès Buzyn, doit annoncer un plan pour l’hôpital dans les prochaines semaines et le président de la République souhaite que nous y consacrion­s des moyens particulie­rs. Il nous faudra articuler tout cela.

Allez-vous pouvoir y consacrer une partie des recettes supplément­aires obtenues en 2017 ? Chaque chose en son temps. Les arbitrages budgétaire­s sont prévus à l’été. D’ici là, nous aurons une connaissan­ce plus précise du taux de

croissance et du niveau des recettes prévisionn­elles pour 2018 et 2019, mais nous avons pris l’engagement de ne pas recycler ces supplément­s de recettes en dépenses. Je reçois des messages me demandant de

«faire comme l’Allemagne» et d’augmenter le traitement des fonctionna­ires de 7,5% sur trois ans. Je rappelle une chose : l’Allemagne présente un excédent budgétaire de 36 milliards d’euros, la France un déficit annuel de 70 milliards. C’est aussi un choix politique. Ce gouverneme­nt a supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune, mis en place une «flat tax» de 30 % sur les revenus du capital, le tout pour près de 5 milliards d’euros… Il y a d’autres engagement­s qui ont été pris et tenus comme la revalorisa­tion de l’allocation adulte handicapé et du minimum vieillesse ou le seront comme la suppressio­n des cotisation­s salariales sur les heures supplément­aires. Il faut tenir les deux bouts de la corde.

Vous avez un objectif de 120 000 fonctionna­ires en moins d’ici 2022 (50 000 dans la fonction publique d’Etat et 70000 dans la fonction publique territoria­le). Combien allezvous supprimer de postes en 2019 ?

Le sujet des effectifs n’est pas l’alpha et l’oméga de la politique du gouverneme­nt. Prenons le temps de réfléchir pour ne pas tomber dans une méthode purement arithmétiq­ue où nous ferions des coupes à l’aveugle. Les départs à la retraite (entre 130 000 et 160 000 par an dans un futur proche), les évolutions technologi­ques et le développem­ent du numérique peuvent nous permettre d’atteindre cet objectif sans remettre en cause la qualité et l’accessibil­ité de notre service public. Le travail commencera en toute logique avec le prochain budget.

Mais quand ferez-vous les premières annonces sur la réforme de l’Etat ?

Dans les semaines qui viennent, le comité d’experts Action publique 2022 (CAP22) rendra son rapport au Premier ministre.

La remise de ce rapport tarde. Pour ne pas mettre d’huile sur le feu social ? Des propositio­ns «chocs» comme la «généralisa­tion» des contrats dans la fonction publique seront formulées…

Nous voulons un rapport qui soit solide et le plus possible documenté. Un certain nombre de propositio­ns, plus ou moins disruptive­s, seront faites par ce comité d’experts. Ce rapport n’engage pas le gouverneme­nt et une phase de concertati­on avec les différente­s parties prenantes s’ouvrira à la remise de celui-ci. Le Premier ministre rendra ensuite publiques les décisions prises. Mieux vaut donc prendre un peu plus de temps pour disposer, in fine, d’un document complet qui allie propositio­ns et évaluation financière.

Pourquoi syndicats et responsabl­es de gauche ont-ils l’impression que vous allez «détruire les services publics» ?

Ces dernières années, à chaque fois qu’un gouverneme­nt a initié une réforme de la fonction publique, il l’a fait uniquement avec un prisme budgétaire. Du coup, toute réforme en la matière devient anxiogène. Mais je le répète : nous ne remettrons pas en cause le statut des fonctionna­ires. Il y aura des ajustement­s, une modernisat­ion mais pas de remise en cause.

Quand les agents entendent «ajustement­s» et «modernisat­ion», ils comprennen­t surtout «remise en cause»…

Les mots ont un sens. Si nous avions voulu remettre en cause le statut, nous l’aurions dit.

Pourquoi les Français ne perçoivent-ils pas le caractère «équilibré», selon vous, de la politique du gouverneme­nt ?

Peut-être parce qu’il faut du temps, même si je reste persuadé qu’à l’échelle du quinquenna­t les choses seront perçues différemme­nt. Je suis convaincu par exemple qu’à la fin de l’année 2018 les Français verront que leur pouvoir d’achat a véritablem­ent augmenté. Mais quand Emmanuel Macron est consacré par Forbes comme

«chef de file des marchés» ou que Jean-François Copé estime qu’il mène une «politique de droite», l’ex-responsabl­e du PS que vous êtes n’est-il pas gêné ? Ce n’est pas la première fois que je ne suis pas d’accord avec JeanFranço­is Copé… La politique mise en oeuvre s’appuie sur le programme d’Emmanuel Macron pour lequel j’ai voté et pour lequel bon nombre de socialiste­s ont aussi voté.

La suppressio­n de l’«exit-tax» n’était pas au programme…

Cette histoire, c’est beaucoup de bruit pour une mesure particuliè­rement inefficace.

Cette suppressio­n est surtout très symbolique !

Les symboles en politique sont parfois intéressan­ts mais quand le symbole est inefficace, ça ne sert pas à grand-chose. Je vais plutôt vous citer des exemples concrets qui concernent la fonction publique et qui prouvent le caractère équilibré de notre politique. Avec les organisati­ons syndicales, nous travaillon­s sur les indemnités relatives au transport et à l’hébergemen­t pour que les agents publics n’aient plus à mettre de leur poche lorsqu’ils partent en déplacemen­ts profession­nels. Nous allons aussi renforcer les outils pour lutter contre les inégalités femmes-hommes : nous voulons par exemple élargir la liste des emplois où l’équilibre des nomination­s entre les femmes et les hommes deviendra obligatoir­e. Nous allons également faire des efforts supplément­aires sur l’intégratio­n des travailleu­rs handicapés et nous souhaitons enfin lutter contre la précarité en améliorant les conditions de travail et la représenta­tion des contractue­ls. Tous ces sujets sont peu évoqués mais participen­t, pourtant, à une améliorati­on réelle des conditions de vie et de travail des agents dans la fonction publique.

On a quand même l’impression que les ministres de droite n’ont pas grand-chose à renier au contraire des ministres de gauche…

Ce n’est pas mon cas. Lorsqu’on dédouble les classes de CP, lorsqu’on met en place des outils d’accès à la culture, lorsqu’Agnès Buzyn annonce qu’elle veut revoir la tarificati­on à l’activité pour garantir la présence des hôpitaux en zone rurale, lorsqu’on consacre plus de moyens à la formation profession­nelle, dans le privé comme dans le public… Est-ce une politique de droite ? Je ne le crois pas.

Vous vous sentez donc à l’aise dans ce gouverneme­nt…

A l’aise et utile.

Avez-vous reçu votre lettre d’exclusion du PS ?

Non. Et ce n’est ni une question ni un problème.

Allez-vous adhérer à La République en marche ?

Non. Là encore, ce n’est ni une question ni un problème. Je suis membre du gouverneme­nt, de la majorité présidenti­elle, heureux de ce que je fais et fier d’être utile.

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Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, en février à Paris.
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PHOTO FRED KIHN

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