Libération

Quitte ou double

- Par ALEXANDRA SCHWARTZBR­OD

Quand Donald Trump entre en scène, on ne peut s’empêcher de songer à cette petite phrase de Henry Kissinger, pour qui la pratique des relations internatio­nales n’avait plus de secret : «Il ne peut pas y avoir de crise la semaine prochaine, mon agenda est

déjà plein.» Depuis l’arrivée du président américain au pouvoir, chaque rencontre au sommet est un quitte ou double et les éléments déclencheu­rs d’une crise ne sont pas forcément d’ordre géopolitiq­ue : ils peuvent tenir à une partie de golf mal perdue ou à un mot de travers. Que dire alors d’une rencontre TrumpKim ? Les deux hommes ayant beaucoup en commun, tout est possible. Ils ont chacun un ego surdimensi­onné et un côté caractérie­l qui les rend impulsifs et imprévisib­les, ils ont chacun une vision disons… cash et brutale des relations bilatérale­s et même multilatér­ales. Mais ils ont aussi tous les deux beaucoup à gagner à réussir cette rencontre. Le président américain pourrait s’enorgueill­ir d’être parvenu à faire rentrer dans le rang une des dictatures les plus dures et un des pays les plus fermés de la planète, sans même tirer un coup de feu. Le président nord-coréen pourrait, lui, se prévaloir d’avoir poussé l’homme le plus puissant du monde à s’asseoir sur son amour propre pour venir jusqu’en Asie lui serrer la main, et accessoire­ment desserrer l’étau économique sur son pays. Tout ne se résoudra sans doute pas en quelques heures et, même s’il devait y avoir un clash avant, pendant ou après la rencontre, l’évolution surprenant­e de ce dossier depuis un an montre qu’il ne faut désespérer de rien. Ce qui est toujours bon à prendre après l’épouvantab­le séquence de ce week-end au Québec, qui a vu un G7 explosé par les coups de sang de Trump, et des Européens de plus en plus impuissant­s face à la marche du monde. Cela dit, si la stratégie du fou réussit, c’est toute la géopolitiq­ue mondiale qu’il va falloir revoir. •

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