Trump-l’oeil
Jour après jour, ils marquent des points. Le ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini, refuse d’accueillir un navire portant des migrants : l’Espagne les accueille. Salvini bombe le torse (lire page 12). Donald Trump insulte Kim Jong-un, menace d’appuyer sur le bouton nucléaire : le dictateur nordcoréen sollicite une entrevue et signe un texte d’apaisement. Trump bombe le torse. Le nationalisme, qui rend à terme le monde plus dangereux, est une recette payante à court terme. Il flatte les peuples en colère et intimide les chefs d’Etat raisonnables, comme lors du G7. Mais il n’est pas non plus cette politique incohérente et folle qu’on se plaît parfois à décrire, sans doute pour se rassurer. Au contraire, son obsession pour la stricte logique des intérêts nationaux lui donne une force politique sans cesse croissante. Qui a gagné lors de la rencontre de Singapour ? Kim, sans doute, si l’on applique à la chose des critères rationnels. Il a gagné une reconnaissance internationale et un gage de pérennité en échange d’une absence quasi-totale de concessions. Le texte signé tient en quelques phrases plutôt creuses quoique bien intentionnées, sans avancée nouvelle en comparaison des accords déjà acceptés – et violés – par la Corée du Nord. Il vaut mieux se parler que s’insulter et la paix y gagne, surtout si l’on se remémore l’hystérie qui a régné sur ce front diplomatique depuis des mois. Pour le reste, il s’agit en grande partie d’un trompe-l’oeil (d’un Trump-l’oeil ?). Peu importe : le président américain s’en prévaudra pour justifier sa manière et sa politique. Les autres puissances démocratiques, humiliées lors du G7, mises hors-jeu en Asie et au Moyen-Orient, impuissantes face aux rebuffades américaines, doivent y réfléchir plus avant. Le nationalisme ne passera pas comme un mauvais rêve. Il faut lui opposer une autre politique, toute aussi cohérente et énergique. Elle manque cruellement. •