Libération

La politique du ministre de l’Intérieur fait réagir même au sein du M5S allié.

Salvini satisfait, l’opinion fracturée

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«De toute évidence, hausser poliment le ton, c’est payant.» Matteo Salvini n’en finit pas de crier «victoire», comme il l’a tweeté après la décision de l’Espagne d’accueillir l’Aquarius. Pour le ministre de l’Intérieur (Ligue, extrême droite), son bras de fer sur le dos de 629 migrants a permis d’ouvrir «un front de discussion­s pour une nouvelle politique de l’immigratio­n au niveau continenta­l. C’est sûr que la partie n’est pas finie [mais] l’Italie ne peut pas continuer à soutenir seule ce poids énorme.» Après l’Aquarius, Salvini a clairement l’intention de s’en prendre aux autres ONG qui portent secours aux migrants en mer : «Un navire qui bat pavillon hollandais est en attente de charger d’autres êtres humains […]. Nous aurons la même position, polie, éduquée mais ferme» qu’avec SOS Méditerran­ée. En clair, les ports italiens seront fermés. Et d’ajouter : «Ce qui m’importe, c’est qu’il n’y ait pas d’associatio­ns d’origine douteuse qui prennent l’Italie pour un camp de réfugiés.» Alors que Rome a autorisé les gardes-côtes italiens à accoster en Sicile avec 900 migrants à bord, Matteo Salvini a souligné : «L’Etat, c’est l’Etat ; les privés, c’est autre chose.» Jusqu’à présent, le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) se place officielle­ment sur la même ligne de fermeté que la Ligue: «L’accord est total au sein du gouverneme­nt.» Mais chez certains militants, la politique de Salvini crée un malaise. Mardi matin, le maire de Livourne, Filippo Nogarin, a déclaré sur Facebook, comme divers élus de gauche, qu’il était prêt à accueillir les passagers de l’Aquarius… avant d’effacer rapidement son message sous la pression de la direction du parti.

Dans l’opinion publique italienne, l’Aquarius provoque une véritable fracture. «Salvini, notre héros» titrait par exemple le quotidien de droite Libero, tandis que les responsabl­es de gauche dénonçaien­t sa démagogie. «Il est sans pudeur et sans vergogne», s’indigne l’exministre démocrate de la Culture Dario Franceschi­ni, qui a publié sur Twitter une photo de Salvini, le rosaire à la main, en train de jurer sur les Evangiles. Mais la gauche s’insurge aussi contre les commentair­es de l’Elysée sur la «politique cynique et irresponsa­ble» de Salvini. «Paris n’a pas de leçon à donner en la matière» , a estimé l’ancien ministre Carlo Calenda. Un commentair­e partagé par le vice-président du Conseil (M5S), Luigi Di Maio.

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