Antoine Griezmann dribble la presse
Foule des (très) grands soirs mardi dans l’amphithéâtre de l’hôtel New Jérusalem d’Istra (Russie), qui abrite les circonvolutions médiatiques des Bleus durant le Mondial russe : Antoine Griezmann était annoncé et l’attaquant tricolore a un secret. A savoir: son choix de club pour la saison prochaine, la rumeur le faisant hésiter entre l’Atlético Madrid où il évolue depuis 2014 et le très sexy Barça de Lionel Messi. L’attaché de presse des Bleus passe avant lui: Griezmann se fendra d’une déclaration liminaire sur le sujet, un peu à la façon des entraîneurs de l’Est avant la chute du Mur. Puis on passera à autre chose. Bref : c’est pas le moment. Murmure dans la salle, où des confrères espagnols se sont tapé des centaines de bornes pour recueillir les mots du joueur : ben, à quoi on sert ? A rien les gars. Griezmann sort deux phrases,
«désolé, ce n’est pas aujourd’hui que je donnerais ma décision», puis la même en espagnol, puis rideau. On confesse un intérêt limité pour le choix du joueur mais sur le coup, la déception nous a étreints, comme si le père Noël avait oublié de passer. L’intensité médiatique était réelle et après tout, le fait qu’un joueur passe d’un club à l’autre conditionne les émotions de centaines de millions de personnes. On a eu du mal à s’intéresser à la suite, le joueur étant pourtant venu dire que cette équipe de France, lancée à la conquête d’un second titre mondial, était la sienne puisqu’il était consulté par le sélectionneur à la fois sur le système de jeu et les joueurs. Le sujet du transfert s’est cependant invité ensuite à deux reprises, malgré les consignes. La première fois a fait froid dans le dos: un confrère espagnol, qui avait manifestement enregistré sa question sur un site de traduction en ligne, a collé le micro à son smartphone, lequel a recraché en français un très métallique et haché «bonjour, je voudrais savoir/dans quel club/vous allez signer/pour l’année prochaine/ s’il vous plaît». On s’est cru dans Terminator.
La deuxième fois a été plus subtile, le journaliste espagnol étant expert dans le contournement des interdictions comme sa sélection se joue des défenses regroupées : est-ce que l’indécision ne vous perturbe pas en vue du Mondial à venir, où vous jouerez un rôle central ? Griezmann a répondu : «Il n’y a pas d’indécision. Ma décision est prise. Mais ce n’est ni le moment ni l’endroit.» Et on a cru entendre le sélectionneur des Bleus parler à sa place. GRÉGORY SCHNEIDER
(à Istra)