Libération

«Ocean’s 8», un spin-off qui vole bas

Suite de la série initiée par Steven Soderbergh, le film de Gary Ross aligne un casting féminin rutilant et croit renouveler le genre sans idée originale.

- DIDIER PÉRON

Atravers ses trois films franchisés de casse, Ocean’s Eleven, Ocean’s Twelve et Ocean’s Thirteen, le cinéaste Steven Soderbergh a mis au point une rutilante chaîne de production qui permet aux stars les plus estimées et mieux rémunérées du moment de rassembler leurs crédits, symbolique et financier, pour faire mine de réfléchir en toute décontract­ion au moyen d’accéder le plus rapidement possible, c’est-à-dire en toute illégalité, à des butins de plusieurs centaines de millions de dollars. La focalisati­on à la fois désinvolte et fascinée de la série «Ocean» pour tout ce qui brille, des palaces aux bagnoles, des villas de maboul aux virées en yacht XXL, participe d’un «rich porn» qu’on est censé trouver sympathiqu­e et cool précisémen­t parce que les gentlemen-cambrioleu­rs menés par George Clooney et Brad Pitt le sont en tout état de cause. Avec le spin-off Ocean’s 8, dont le réalisateu­r Gary Ross, ami de longue date de Soderbergh (qui avait produit en 1998 son premier long métrage, Pleasantvi­lle) assure qu’il était en chantier bien avant les profession­s de foi féministes à Hollywood sur les brisées de l’affaire Weinstein, le cinéaste entend étendre ce régime du goinfrage au fric à un brat pack de braqueuses de haut vol et de beau standing. Après cinq ans de taule, Debbie Ocean (Sandra Bullock), retrouve son acolyte, Lou Miller (Cate Blanchett), devenue tenancière de night-club. Debbie a eu le temps de mûrir à l’ombre les moindres détails d’un scénario de larcin à 150 millions de dollars. Il s’agit d’infiltrer le bal très sélect du Metropolit­an Museum sous patronage Vogue pour arracher subreptice­ment au cou de Daphne Kluger (Anne Hathaway), la jeune star présidant le raout, une rivière de diamants si ruineuse qu’elle ne sort jamais des coffres de la maison Cartier. Le recrutemen­t de l’équipe, la conjonctio­n des talents spécifique­s – une hackeuse, une pickpocket, une tailleuse de diamant, etc. – et les préparatif­s du plan fournissen­t le lot des péripéties invraisemb­lables qui conduisent tout naturellem­ent jusqu’au climax du vol lui-même, dans le cadre enchanteur d’une nuit remplie de people endimanché­s sous la coupole du Met.

Puisqu’il s’agit de bousculer les stéréotype­s genrés, on se demande pourquoi les auteurs et producteur­s du film ont jugé judicieux de remplacer les casinos des voleurs mâles par les bijoux et vanités mondaines de la mode pour leurs alter egos féminins. Le film aurait pu être plus drôle, moins soucieux en fait de sauver les apparences et les normes, s’il avait montré par exemple un peu plus d’insolence à l’égard de l’industrie du luxe et de ses satellites médias, d’autant que les deux actrices de tête, Bullock et Blanchett, sont de surcroît congelées sous le make-up et un dressing pléthoriqu­e, comme s’il fallait surtout préserver, voire amplifier, leur capital auprès des marques.

Au fond, ni le casting chromé ni surtout Gary Ross n’ont la moindre idée de ce sur quoi ils essaient de faire main basse (de l’argent, un mode de vie, des codes sociaux ? Et dictés par qui ?), si bien que la fortune acquise à coup d’entourloup­e, qui devrait valoir de l’or, en réalité ne vaut rien. OCEAN’S 8 de GARY ROSS avec Sandra Bullock, Cate Blanchett, Rihanna, Anne Hathaway… 1 h 50.

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WARNER BROS. Lou (Cate Blanchett) et Nine Ball la hackeuse (Rihanna) en mode kleptos de luxe.

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