Paradoxe
C’est toujours le sport de tous les vices. Pourtant, le public, toujours plus nombreux, lui trouve toutes les vertus. Implacablement, cette campagne de Russie footballistique se jouera devant la planète entière, enthousiaste, passionnée, fascinée. Ces milliers d’aficionados ne sont pas dupes. Un arbitre impartial se glisserait-il dans les coulisses du football qu’il distribuerait aussitôt une myriade de cartons rouges. Un «pognon de dingue», comme dirait Emmanuel Macron, des joueurs surpayés qui pratiquent souvent une optimisation fiscale digne d’Apple ou Facebook, une corruption endémique, de la violence à revendre dans les gradins, un chauvinisme épais… La globalisation du ballon rond n’a pas amélioré la rectitude du milieu. Mondialisation heureuse ? Non : mondialisation vicieuse. Et pourtant, il tourne… C’est aussi qu’il y a une morale interne au jeu, indépendante de son économie, et celle-ci – paradoxe un peu réconfortant – a tendance à s’améliorer. L’introduction de la vidéo dans l’arbitrage en est le premier symbole, à condition qu’elle ne conduise pas à l’illusion de la décision parfaite. Les conservateurs pointeront le risque d’un ralentissement du jeu. Outre que l’argument n’est pas démontré – on verra en fin de compétition –, la vidéo inquiète les tricheurs bien plus que les spectateurs. Les matchs gagnés sur une main grossière – ou une «main de Dieu» –, les fautes commises délibérément dans le dos de l’arbitre vont se raréfier. Le message est clair : les règles, acceptées par tous, doivent être respectées. Progrès dans la civilisation du sport spectacle. Et surtout, la pression du public a maintenu, développé même, la tradition du beau jeu, qui n’est pas synonyme de défaite glorieuse, mais – voir l’Allemagne, l’Espagne ou le Brésil – de succès à la marque. Consolation symbolique ? Certes. Mais qu’est-ce que le sport de compétition sinon un symbole ? •