Au Royaume-Uni, Theresa May s’en sort encore de justesse
Theresa May a gagné… à moins qu’elle n’ait perdu. Les scènes qui ont accompagné mardi la séance de débats et votes à la Chambre des communes sur la loi de retrait de l’Union européenne ont laissé les plus avertis des experts de la politique britannique quelque peu pantois. La confusion qui règne depuis des mois à Westminster ne s’est en rien dissipée, et la suite des événements reste toujours aussi obscure.
Mardi et mercredi, les députés examinaient en deuxième lecture la loi qui entérinera le départ du Royaume-Uni de l’UE. Ils ont voté à tour de bras, et à marche forcée, sur quinze amendements déposés par les Lords, la Chambre haute du Parlement. Cette Chambre non élue est, en majorité, opposée au Brexit et cherchait, avec ces amendements, à garantir un texte le moins radical possible. Le gouvernement conservateur de Theresa May, qui ne dispose pas d’une majorité absolue au Parlement, souhaitait bien entendu rejeter tous ces amendements. Et, pour le moment, il a réussi. Il a notamment convaincu à la dernière minute une quinzaine de députés conservateurs rebelles, à savoir opposés au Brexit, de voter contre un amendement baptisé «vote significatif». Celui-ci prévoyait que si le gouvernement, au terme des négociations avec la Commission européenne à l’automne, n’arrivait pas à conclure un accord satisfaisant, ou un accord tout court, le Parlement aurait la main pour décider de la suite de la marche à suivre. Il aurait ainsi permis d’écarter l’hypothèse d’une sortie de l’UE brutale et sans accord, et même éventuellement d’envisager une annulation du Brexit grâce à un nouveau référendum. Si avant les discussions elle avait d’abord refusé un compromis présenté par un député conservateur, la Première ministre a brusquement changé d’avis avant le vote crucial. En plein débat, dans un ballet surréaliste, les députés rebelles ont ainsi quitté l’un après l’autre la Chambre des communes, pliés en deux pour être plus discrets, pour aller rencontrer Theresa May. Cette dernière leur a promis de modifier la loi pour y introduire une possibilité pour le Parlement d’avoir un droit de regard sur l’accord final. Sans plus de précisions. Les rebelles ont choisi cette fois-ci de la croire, tout en la prévenant que tout manquement à sa parole pourrait lui coûter cher. Fondamentalement, le résultat de ce cirque un peu obscur ne change rien. Si ce n’est qu’il révèle que, plus que jamais, Theresa May est prise dans un étau entre deux lignes au sein de son parti. D’un côté, les «ultrabrexiters» la poussent à exclure tout compromis avec l’UE et à sortir au plus vite. De l’autre, les opposants au Brexit veulent, sinon l’empêcher, au moins arriver à un accord qui permette le maintien d’un maximum de liens avec l’Union. Ces deux camps sont désormais chacun d’une taille suffisante pour la faire tomber. Au milieu, elle ne peut que survivre, ce qu’elle a jusqu’à présent réussi à chaque fois. Mais à chaque crise, l’étau se resserre. SONIA DELESALLE-STOLPER (à Londres)