Privatisations Pour 15 milliards de plus
En vue d’alimenter son fonds pour l’innovation mais aussi de soulager la dette, l’Etat va céder tout ou partie de ses parts d’ADP, d’Engie et de la Française des jeux.
Cinq mois. C’est le temps qu’il aura fallu à l’exécutif pour convertir en projet de loi les paroles du ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, qui annoncait le 15 janvier vouloir «autoriser» les privatisations dans son futur «plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises». Cinq mois de tergiversations – le temps aussi de laisser passer la fronde sociale contre la réforme ferroviaire– avant de lancer officiellement le plus grand plan français de privatisations depuis dix ans et d’ouvrir les enchères pour tout ou partie des parts de l’Etat dans Aéroports de Paris (ADP, 50,6 % du capital), la Française des jeux (72 %) et Engie (24,1 %). «Les parts de l’Etat dans ces entreprises cotées représentent environ 15 milliards d’euros qui sont aujourd’hui immobilisés et qui ne permettent pas d’investir pour notre avenir», a justifié mercredi dans les Echos Le Maire, pour qui l’Etat «n’a pas vocation à diriger des entreprises concurrentielles à la place d’actionnaires qui ont les compétences et les savoir-faire pour le faire mieux que lui». Le patron de Bercy, qui défendra ces privatisations dans son projet de loi «Pacte» présenté lundi en Conseil des ministres, revendique le choix du gouvernement de «pass[er] d’une logique de gestionnaire à une logique d’investissement dans l’avenir». Au risque de vendre les derniers bijoux de famille français ?
Certes, les recettes récoltées grâce à ces privatisations vont abonder, comme annoncé par Le Maire en janvier, un fonds pour l’innovation doté de 10 milliards d’euros : 1,6 milliard Roissy-Charles-de-Gaulle, exploité par ADP. issu de la vente d’actions Engie et Renault au deuxième semestre 2017 et 8,4 milliards d’euros apportés sous formes d’actions EDF et Thalès. Les sommes issues de la vente d’ADP, FDJ et Engie viendront, petit à petit, prendre le relais.
Mais attention : l’Etat n’a pas l’intention de distribuer directement les 10 milliards de ce fonds à telle ou telle entreprise de la nouvelle économie. Pour «financer l’industrie du futur», comme le promettait Emmanuel Macron durant sa campagne, l’Etat va placer ces 10 milliards pour qu’ils rapportent, chaque année, entre 200 et 300 millions d’euros. Est-ce si rentable de perdre, malgré certains garde-fous, le contrôle d’entreprises stratégiques et qui, chaque année, rapportent en dividendes à l’Etat ? «Aujourd’hui, l’Etat détient quelque 9 milliards d’euros d’actifs au sein d’ADP, et obtient 174 millions d’euros de dividendes par an», se défend Le Maire dans les Echos. Selon une source chez ADP interrogée par Libération, la participation de l’Etat dans l’entreprise aéroportuaire a rapporté davantage depuis son introduction en Bourse en 2006 : plus de 200 millions d’euros par an. Pour la FDJ, c’est environ 90 millions. Soit, rien que pour ces deux entreprises, exactement le rendement ciblé par l’exécutif pour investir dans «l’industrie du futur».
De plus, contrairement à la promesse de campagne de Macron, l’Etat ne va donc pas se séparer d’«entreprises possédées de manière minoritaire» mais d’actifs stratégiques et juteux. A l’arrivée, l’ensemble de ce programme de privatisations rapportera bien plus que 10 milliards. Le surplus de la vente d’actifs ira au «désendettement de l’Etat». •