LA FRANÇAISE DES JEUX
C’est un super placement de père de famille, sans risque ou presque, que l’Etat s’apprête à privatiser. Héritière de la loterie nationale créée en 1933, elle-même inspirée de celle des «gueules cassées» qui avait vu le jour au lendemain de la Grande Guerre, la Française des jeux (FDJ) représente à elle seule la moitié du secteur des jeux d’argent en France. Nationalisé en 1976, l’exLoto national a pris son appellation actuelle de FDJ en 1991.
Comment va l’entreprise ?
Monopole d’Etat, quatrième loterie mondiale et deuxième européenne, la FDJ a vu son activité croître significativement ces dernières années. Depuis l’arrivée de Stéphane Pallez à sa tête fin 2014 (qui dans une autre vie avait oeuvré comme numéro 2 de l’Agence des participations de l’Etat, l’APE, aux privatisations), la «cash machine» de Bercy a franchi un nouveau cap. Pour la première fois en 2017, les mises des 26 millions de Français qui ont acheté au moins un jeu étiqueté FDJ l’an dernier ont dépassé la barre des 15 milliards d’euros. Une performance qui a progressé de 38% depuis 2015, en passant de 130 à 181 millions d’euros. Et le potentiel de croissance est loin d’être épuisé : «Les Français se situent à peine dans la moyenne européenne et ne peuvent être qualifiés de joueurs intensifs», explique-t-on à la FDJ.
Que veut faire l’Etat ?
Largement majoritaire au capital (72 %), qu’il partage avec des actionnaires historiques détenant encore 28% des parts, l’Etat ne devrait conserver qu’une minorité de blocage de l’entreprise qui sera introduite en Bourse. Valorisée dans la fourchette haute à plus de 3 milliards d’euros, l’opération pourrait rapporter entre 1 et 1,5 milliard. «En dix ans maximum, les nouveaux actionnaires se seront refait la cerise, après ce ne sera que du jackpot», pronostique le député Nouvelle Gauche Régis Juanico, qui s’inquiète de voir des intérêts privés piloter ce géant des jeux d’argent.
Quels sont les risques ?
L’opération, assure l’Etat actionnaire, n’entamera en rien un monopole qui rapporte chaque année 3,3 milliards d’euros de taxes sur les jeux. Mais, outre la précieuse rente qu’elle constitue pour l’Etat, la FDJ opère dans un secteur qui présente de sérieux risques d’addiction et un gros enjeu de santé publique. Le gouvernement cherche à rassurer ceux qui s’inquiètent en expliquant qu’il veillera à la régulation de la FDJ en déléguant à une nouvelle autorité dédiée le soin d’éviter toute dérive. Mais le jeu peut-il être «responsable» à l’aune des critères de rentabilité du privé ?
CHRISTOPHE ALIX en millions d’euros en 2016*