5 ou 9 millions de pauvres en France ?
A partir de quel seuil est-on dans la misère ? Un rapport de l’Observatoire des inégalités rendu public ce vendredi suggère de revoir le mode de calcul en vigueur qui met sur le même plan trop de situations hétérogènes et se révèle inopérant, voire décourageant.
Les chiffres sont têtus, mais chacun peut leur faire dire ce qu’il souhaite. Il en va ainsi des statistiques relatives à la pauvreté. De nombreuses données sont jetées en pâture, sans vraiment être questionnées, analysées ou mises en perspective. Ce qui n’aide pas à comprendre un phénomène complexe aux racines multiples, souligne l’Observatoire des inégalités (1) dans un rapport publié ce vendredi. Ce document rebat assez radicalement les éléments du débat sur la pauvreté. Il remet en discussion de nombreuses statistiques, à commencer par celle concernant le nombre de pauvres.
Selon le curseur le plus fréquemment utilisé (60 % du revenu médian, qui s’élève à 1 710 euros mensuels), la France compte 8,8 millions de pauvres, soit 14 % de sa population dont 3 millions d’enfants. Une donnée que l’étude questionne et conteste car elle agglomère à la fois des personnes vivant dans une précarité absolue avec un RSA de 488 euros, et des familles avec deux enfants de plus de 14 ans, disposant d’un revenu mensuel qui peut aller jusqu’à 2 565 euros (lire ci-dessous). Evidemment, tout curseur, tout outil statistique a ses imperfections, mais l’Observatoire des inégalités considère qu’à force de brasser large et de mêler des choses pas vraiment comparables, on donne du grain à moudre à ceux qui veulent remettre en cause le «modèle social français qui est pourtant l’un des plus performants d’Europe». C’est servir sur un plateau un argument choc: à quoi bon dépenser «un pognon de dingue» dans la politique sociale si on a quand même 8,8 millions de pauvres ? Argument que le rapport taille en pièces en montrant que sans les allocations et aides publiques en faveur des personnes les plus défavorisées, les chiffres de la pauvreté seraient bien plus élevés.
Autre poncif balayé avec des statistiques, qui sont rarement mises sur la place publique car un peu complexes à étayer : contrairement à une idée reçue, on ne reste pas pauvre toute sa vie. Le monde de la pauvreté est constitué d’un flux continuel d’entrées et de sorties. Le rapport souligne à ce sujet que la France est l’un des pays d’Europe où les gens qui tombent dans la pauvreté le restent le moins longtemps. •
(1) L’Observatoire des inégalités est une association qui scrute l’évolution de la pauvreté et les inégalités.